Par leur courage, leur détermination et la persévérance dont ils font preuve, par leur volonté farouche de faire cesser des agissements nuisibles, illégaux ou contraires à l'intérêt général, les lanceurs d'alerte sont en quelque sorte des résistants des temps modernes, essentiels au bon fonctionnement de notre démocratie. En signalant ou en divulguant des informations susceptibles de protéger notre société, ils font avec courage une action dont ils savent qu'elle peut avoir de lourdes conséquences sur leur vie professionnelle et personnelle. En dénonçant certains comportements, ils s'exposent à des représailles et, potentiellement, à des poursuites pour violation d'un secret protégé par la loi ou pour diffamation.
Il nous appartient donc, en tant que législateurs, de nous placer à leurs côtés et de renforcer leur protection, déjà consacrée sur le plan législatif mais qui se révèle encore insuffisante. La loi Sapin 2 avait permis des avancées importantes en fusionnant les nombreux régimes d'alerte existants et en renforçant les droits qui s'y rattachent, tout en imposant aux lanceurs d'alerte de suivre des règles précises et de respecter certaines procédures. Ces règles et ces procédures, trop précises et certainement trop encadrées, ont pu se révéler inefficaces ; cela a rendu nécessaire une évolution de notre arsenal législatif.
Il pouvait en effet sembler contre-intuitif d'exiger que le lanceur d'alerte commence par exposer, à l'intérieur de l'entreprise ou de l'administration dans lequel il travaille, le comportement qu'il entendait dénoncer au sein de cette même entreprise ou administration. La non-hiérarchisation des canaux et le fait d'avoir le choix entre un signalement interne ou externe constituaient des corrections nécessaires, garantes de la liberté dont doivent pleinement disposer les lanceurs d'alerte.
La proposition de loi permet également d'aller plus loin pour limiter les représailles, notamment les procédures bâillons, tout en se livrant à l'exercice complexe consistant à transposer la directive européenne du 23 octobre 2019. Elle instaure un meilleur équilibre entre la légitime protection des lanceurs d'alerte et le nécessaire encadrement de leurs moyens d'action.
Comme certains de nos collègues, nous avons néanmoins souhaité apporter – par voie d'amendements – quelques garanties et précisions à ce texte, notamment pour nous assurer de l'impartialité des canaux d'alerte ou des référents internes désignés pour recueillir les signalements dans certaines petites entités morales de droit public ou privé, ou pour prévoir des campagnes d'information sur les procédures de signalement à l'intention des agents et des salariés de ce type d'entités ; nous avons également apporté des précisions quant à la clôture des procédures d'alerte, en particulier lorsqu'il n'est pas donné suite au signalement effectué.
Je tenais enfin à appeler votre attention, monsieur le rapporteur, sur l'application de la proposition de loi à certains territoires de la République, en particulier à la Nouvelle-Calédonie et aussi, certainement, à la Polynésie française. Comme la loi Sapin 2 avant lui et en dépit des modifications qu'il instaure, son article 12 A ne permettra pas la pleine application des dispositions protectrices des lanceurs d'alerte sur les territoires exerçant la compétence par exemple en matière de droit du travail ou de droit commercial. Il revient bien entendu aux institutions de ces territoires, au Congrès de la Nouvelle-Calédonie par exemple, d'adopter les mesures nécessaires. Mais il me paraît indispensable de consacrer du temps à identifier les dispositions qui relèvent de la compétence de l'État et celles qui sont du domaine d'une compétence locale. À ce titre, il est déjà certain que les dispositions des articles 3 bis , 6 et 11, qui relèvent des compétences des territoires évoqués, n'y seront pas applicables, et la question se pose aussi s'agissant de certaines dispositions de l'article 3.
J'avais déposé un amendement prévoyant une habilitation à légiférer par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la future loi, afin de permettre, si nécessaire, l'adaptation de ses dispositions à la Nouvelle-Calédonie. Une telle proposition n'était pas inédite : elle s'inspirait du mécanisme que nous avons récemment adopté lors du vote de la loi relative à la bioéthique. Mon amendement a malheureusement été déclaré irrecevable ; je le regrette car si nous ne modifions pas l'article 12 A, la protection des lanceurs d'alerte ne sera pas uniforme sur l'ensemble du territoire de la République. J'espère, monsieur le rapporteur et madame la secrétaire d'État, que nous pourrons faire évoluer le texte sur ce point. Cependant, le groupe UDI et indépendants votera naturellement et avec conviction en faveur des deux propositions de loi.