Intervention de Raphaël Gauvain

Séance en hémicycle du mercredi 17 novembre 2021 à 15h00
Améliorer la protection des lanceurs d'alerte - rôle du défenseur des droits en matière d'alerte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Gauvain :

La France doit transposer, avant la fin de l'année, la directive européenne sur la protection des lanceurs d'alerte. L'objectif est de garantir une protection efficace des personnes qui, ayant obtenu dans un contexte professionnel des informations sur des violations du droit de l'Union, les signalent ou les rendent publiques.Cette directive concerne le droit de l'Union. Mais elle est pour nous l'occasion de renforcer notre arsenal juridique en la matière et d'améliorer le statut des lanceurs d'alerte tel qu'il a été pensé, élaboré et adopté par la loi Sapin 2 de 2016. Cette loi représente incontestablement une véritable rupture. Nous connaissions jusqu'alors un éparpillement des régimes de protection. Quelques entreprises avaient mis en place des plateformes de recueil des alertes sous la pression des législations étrangères, mais sans garanties spécifiques de confidentialité ni protections contre les représailles. Ces dispositifs étaient peu lisibles et n'incitaient pas aux révélations.

La loi Sapin 2 a créé un régime unique s'appliquant dans tous les domaines. Il s'agissait à la fois de reconnaître le rôle des lanceurs d'alerte, de les accompagner et d'interdire les représailles à leur encontre, tout en encadrant les révélations. La loi a défini un véritable statut du lanceur d'alerte, comprenant des droits mais aussi des devoirs. Elle a permis à la France de se hisser au niveau des standards les plus élevés sur la question. C'est d'ailleurs la loi Sapin 2 qui, à l'initiative de la France, a très largement inspiré la directive.

Au début de cette année, nous avons conduit avec mon collègue de l'opposition Olivier Marleix un travail d'évaluation de l'application du dispositif issu de la loi Sapin 2. Les résultats en sont nuancés.

Il existe un paradoxe : la loi incite les lanceurs d'alerte à effectuer des signalements mais, dans les faits, elle ne parvient pas à en protéger efficacement les auteurs. Les lanceurs d'alerte sont encore trop souvent victimes de représailles et nombre d'entre eux rencontrent des difficultés financières alors qu'ils ont sacrifié leur vie professionnelle, et parfois personnelle, à l'intérêt général. Surtout, la pratique a montré que la protection juridique des lanceurs d'alerte est soumise à des critères exigeants, notamment le désintéressement et l'obligation de passer prioritairement par le canal interne. Les lanceurs d'alerte craignent donc de s'exposer et de ne pas bénéficier d'un soutien efficace de la part des pouvoirs publics.

Notre rapport d'évaluation de la loi Sapin 2 contenait plusieurs propositions qui ont été très largement reprises par le rapporteur, dont je veux à mon tour saluer le travail consensuel, qui va permettre l'adoption de ce texte. C'est notamment le cas des critères de recevabilité des alertes et de désintéressement, et surtout du problème du soutien financier aux lanceurs d'alerte, tout particulièrement en cas de procédures bâillons. Nous en avons longuement débattu en commission et la secrétaire d'État vient d'en parler. Le terme de procédures bâillons désigne la stratégie par laquelle l'entreprise, l'administration ou la personne visées par l'alerte multiplient les procédures judiciaires dans le seul but de déstabiliser le lanceur d'alerte. Ce point est extrêmement important. Lors de la préparation de notre rapport d'évaluation de la loi Sapin 2, nombre de personnes auditionnées nous ont alertés sur les difficultés rencontrées par les lanceurs d'alerte en raison de ces procédures et l'absence totale d'encadrement et d'accompagnement des lanceurs d'alerte.

Le texte prévoit déjà un certain nombre de dispositifs : il ouvre la possibilité pour le juge de prononcer une amende civile dissuasive contre l'auteur des procédures bâillons ou de décider au cours de l'instance de faire supporter à l'auteur de ces procédures les frais d'avocat du lanceur d'alerte, c'est extrêmement important.

Il faut aller plus loin, comme nous l'avons constaté au sein de la commission des lois. Le groupe La République en marche proposera par amendement que le tribunal puisse accorder au lanceur d'alerte, à la charge de l'auteur des procédures bâillons et au cours des débats judiciaires, un secours financier complémentaire à la prise en charge des frais d'avocat prévue dans le texte.

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