Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du mercredi 17 novembre 2021 à 15h00
Améliorer la protection des lanceurs d'alerte - rôle du défenseur des droits en matière d'alerte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

La loi Sapin 2, en introduisant dans notre droit l'expression de lanceur d'alerte, a apporté une juste reconnaissance à ces femmes et à ces hommes qui, en leur âme et conscience et le plus souvent en dépit de leurs propres intérêts qui les pousseraient à se taire, trouvent le courage de dénoncer un scandale dont la divulgation est d'intérêt général.

Grâce à cette loi, le lanceur d'alerte ne peut plus en aucun cas être regardé par la société comme un délateur, risque souvent brandi, mais bien au contraire comme une personne dont le sens de l'honneur, l'éthique, l'oblige à agir contre des intérêts parfois très puissants.

Il est impossible de ne pas évoquer ici Irène Frachon, qui a révélé les risques du Mediator, ou Stéphanie Gibaud, qui a dévoilé des pratiques illégales d'UBS – banque qui sera, grâce à elle, condamnée à 3,7 milliards d'euros d'amende. D'autres ont malheureusement connu plus de difficultés à se faire entendre : Denis Breteau à la SNCF ou Françoise Nicolas au Quai d'Orsay. À ces lanceurs d'alerte, objets de menaces, d'intimidations, parfois de véritables campagnes de dénigrement et de déstabilisation, victimes de sanctions visant à les discréditer, nous devons apporter une véritable protection.

Sur ce point, reconnaissons-le, la loi Sapin 2 n'a malheureusement pas été suffisamment efficace. Elle a même créé une situation ambiguë en donnant l'illusion qu'il existait une protection quand les mécanismes devant en assurer l'effectivité n'ont pas fonctionné.

Si la protection doit être à la hauteur des risques que prennent ces personnes, elle ne peut se départir d'une certaine rigueur. Je salue de ce point de vue l'équilibre trouvé par le rapporteur. En aucun cas il ne s'agit d'encourager nos compatriotes à s'ériger en justiciers indépendants.

Cinq ans après le vote de la loi Sapin 2, nous remettons donc l'ouvrage sur le métier, car l'Union européenne nous oblige à transposer la directive de 2018 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union. Celle-ci impose une protection renforcée par rapport au droit français, mais limitée aux compétences de l'Union. Les États doivent donc intégrer les dispositions européennes dans le statut des lanceurs d'alerte, mais ils sont aussi incités par la directive à aller au-delà des compétences de l'UE. C'est le chemin choisi dans cette proposition de loi, et c'est une bonne chose.

Le texte tend à corriger les insuffisances de la loi Sapin 2 relevées dans le rapport d'évaluation que nous avons rédigé avec Raphaël Gauvain. Je me réjouis que nos propositions puissent être aussi rapidement mises en œuvre. Parmi celles-ci, je retiens le retrait du critère de désintéressement, dont l'application entraînait la perte de la qualité de lanceur d'alerte pour la simple contestation d'un licenciement aux prud'hommes ; l'assouplissement de la hiérarchie des canaux d'information et la possibilité de saisir directement les autorités externes ; l'obligation d'informer le lanceur d'alerte des suites données à son signalement ; l'établissement d'une sanction civile dissuasive pour l'ensemble des procédures bâillons contre les lanceurs d'alerte et enfin la sécurisation juridique du statut des informations confidentielles collectées par le lanceur d'alerte. Demeure la question importante de l'indemnisation du lanceur d'alerte lorsqu'il doit faire face à de nombreuses procédures bâillons et que sa situation matérielle personnelle est fortement dégradée.

Plus généralement, il faut saluer l'équilibre trouvé par le rapporteur. La directive autorisait à reconnaître les personnes morales – associations et syndicats – comme lanceurs d'alerte, conception que le texte n'a pas retenue. Je m'en réjouis : le lanceur d'alerte doit rester une personne physique, c'est à lui que nous devons cette protection particulière. Il peut seulement être secondé par des associations ou des personnes morales. Nous éviterons ainsi l'écueil d'une forme de professionnalisation de l'alerte par des personnes morales et leurs éventuels salariés. Néanmoins, le rôle confié aux associations demande à mon sens encore quelques éclaircissements, s'agissant surtout de leur responsabilité en matière de secret et la levée de leur responsabilité civile lorsqu'elles agissent en appui d'un lanceur d'alerte.

La proposition de loi organique institue le Défenseur des droits en tant qu'autorité de référence pour certifier la qualité de lanceur d'alerte. C'est un apport majeur. Le Défenseur des droits doit être le protecteur effectif et certifier que la personne est bien dans une démarche d'alerte.

Si nous sommes d'accord avec tout ce qui figure dans le texte, nous pouvons regretter ce qui n'y figure pas. La grande mise à jour qu'aurait méritée la loi Sapin 2 n'aura pas lieu. Je déplore le manque de volonté du Gouvernement d'améliorer les dispositifs de prévention de la corruption.

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