Intervention de Catherine Pujol

Séance en hémicycle du mercredi 17 novembre 2021 à 15h00
Améliorer la protection des lanceurs d'alerte - rôle du défenseur des droits en matière d'alerte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Pujol :

Les lanceurs d'alerte sont devenus des acteurs incontournables de la protection de nos libertés fondamentales. Parce qu'ils ont le courage de dénoncer des faits répréhensibles, nous devons être à leurs côtés.

En France, la loi Sapin 2 a permis de créer un statut de lanceur d'alerte comportant des droits, comme l'accompagnement juridique ou la protection contre les représailles, mais également des devoirs, tels la protection de la vie privée des personnes mises en cause et l'encadrement des canaux de révélation. De telles dispositions étaient nécessaires pour défendre les lanceurs d'alerte contre les mesures de rétorsion auxquels ils s'exposaient – licenciement, menaces physiques, atteinte à la sécurité de leur famille, ou encore poursuites bâillons, ces procédures judiciaires abusives et sciemment ruineuses.

La loi Sapin 2 a eu le mérite de mettre en avant la notion de lanceur d'alerte en faisant du droit d'alerte une liberté fondamentale. La France est ainsi devenue pionnière en matière de transparence de la vie publique et de lutte contre la corruption.

Cette loi comportait toutefois de nombreuses ambiguïtés et insuffisances : si les auteurs de signalements étaient enfin pris en considération, leur protection effective était lacunaire. Le dispositif proposé reste ainsi trop peu utilisé, car il se révèle complexe et expose finalement les lanceurs d'alerte à des risques personnels, juridiques et financiers particulièrement élevés. Jusqu'à présent, la loi incitait ainsi les potentiels lanceurs d'alerte à agir, tout en les mettant paradoxalement en danger en ne les protégeant qu'insuffisamment des conséquences inévitables de leurs actions.

La proposition de loi et la proposition de loi organique qui nous sont présentées ont le mérite de tenter de combler les nombreuses lacunes du dispositif Sapin 2. Je pense notamment à la suppression du critère de désintéressement, qui créait des situations dans lesquelles des lanceurs d'alerte se trouvaient privés de protection s'ils s'étaient, par exemple, engagés dans une procédure devant les prud'hommes.

La protection des personnes physiques et morales en lien avec le lanceur d'alerte constitue une autre avancée à saluer : elle permettra à ces personnes d'accompagner efficacement les lanceurs d'alerte, tout en limitant les risques de représailles. Le droit d'alerte, quand il n'est pas motivé par des intérêts particuliers, mais par l'intérêt général, constitue une extension de la liberté d'expression, si chère à nos yeux et malheureusement trop souvent entravée.

Désormais, notre attention en faveur des lanceurs d'alerte doit être pérennisée. N'oublions pas qu'ils ne se contentent pas de tirer la sonnette d'alarme, mais se retrouvent en première ligne face à des intérêts parfois très puissants. La procédure de signalement actuellement prévue reste trop lourde : ce n'est que si le signalement effectué par la voie hiérarchique n'est pas traité avec diligence, dans un délai raisonnable, qu'il peut être adressé à l'autorité administrative, judiciaire ou ordinale. Il serait judicieux de créer la possibilité d'une alerte extraordinaire, portée à la connaissance d'une commission parlementaire de l'Assemblée nationale ou du Sénat, dont les séances sont publiques et retransmises en direct sur internet.

Pour conclure, il est de l'honneur de la France d'assurer une protection matérielle et juridique à ceux qui osent se lever, au risque de bouleverser leur vie et celles de leurs proches, au nom de l'intérêt général. Cette loi représente une avancée, qu'il faut saluer, mais il reste encore beaucoup à faire pour assurer une meilleure protection des lanceurs d'alerte.

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