Nous entrons directement dans le vif du sujet, puisqu'il s'agit d'inclure les personnes morales dans la définition des lanceurs d'alerte. Afin que tous les collègues ici présents aient bien à l'esprit tous les arguments qui plaident en faveur de la reconnaissance de ce statut aux personnes morales, je répète ce que j'indiquais en commission : une personne morale ne peut évidemment pas bénéficier des mêmes protections qu'une personne physique. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle ne doit pas être protégée – le texte prévoit d'ailleurs certaines mesures à leur endroit.
Néanmoins, en affirmant explicitement qu'un lanceur d'alerte ne peut être qu'une personne physique, on indique aux femmes et aux hommes qui ont connaissance d'une information que c'est leur peau qu'ils doivent mettre sur la table – que c'est leur vie, leur corps, leur esprit qu'ils doivent exposer – pour être reconnus comme lanceurs d'alerte. Frances Haugen, ancienne cadre de Facebook, a clairement indiqué, au cours de son audition, qu'alors que nombre de ses collègues constataient les mêmes faits qu'elle, ils n'ont pas été en position de lancer l'alerte, pour de multiples raisons – parce que c'est une démarche difficile, parce qu'ils auraient subi des représailles, etc.
Nous nous privons donc, en tant que législateurs et acteurs de la vie politique, d'informations auxquelles nous aurions pu avoir accès si les personnes morales avaient été reconnues comme lanceurs d'alerte. De toute façon, que se passe-t-il, en pratique ? L'information se diffuse tout de même par d'autres canaux, dont le fonctionnement n'est pas toujours satisfaisant – je pense à la presse ou aux réseaux sociaux, sur lesquels des informations sont divulguées de façon parfois un peu chaotique.
Je crois donc qu'il est important d'inclure les personnes morales dans la définition des lanceurs d'alerte et que ce choix ne constituerait pas un risque – nous en avons déjà évoqué cette question en commission –, mais plutôt une opportunité d'augmenter le nombre d'alertes que nous prendrions dans nos filets.
Cela permettrait en outre de remettre du collectif dans la démarche, plutôt que de renvoyer systématiquement à la responsabilité individuelle. Chacun le comprend bien : les lanceurs d'alerte interviennent précisément lorsque les cadres collectifs qui existent pour prévenir les problèmes ont failli.
En étendant la définition des lanceurs d'alerte aux personnes morales, on pourrait donc résoudre la quadrature du cercle. C'est pourquoi il est essentiel de le faire.