Le travail sur cette proposition de loi organique transpartisane et coconstruite avec le Sénat a commencé voilà longtemps – trois ans –, lorsque nous avons décidé, avec Joël Giraud et Laurent Saint-Martin, de relancer la MILOLF lancée en 2003 par Gilles Carrez. L'objectif était alors de faire un bilan de la LOLF vingt ans après son adoption, pour mesurer ce qui avait fonctionné et ce qu'il était nécessaire de réformer et de perfectionner. Contrairement aux apparences, ce texte est tout sauf un texte comptable ou technique : c'est avant tout un texte politique, au meilleur sens du terme, qui permet de rendre plus lisibles, plus compréhensibles et plus efficaces nos lois de finances, qui sont au cœur de notre démocratie, et probablement le premier maillon de celle-ci.
Nous avons abouti, en septembre 2019, à un rapport formulant plus de quarante propositions, dont certaines étaient de nature organique. Le travail de rédaction d'une proposition de loi, auquel ont été associés le Gouvernement et le Sénat, a été lancé dans la foulée et a abouti au dépôt de deux propositions de loi, l'une organique et l'autre ordinaire.
Comme en 2000, compte tenu de l'importance du sujet et de sa complexité juridique, nous avons souhaité recueillir l'avis du Conseil d'État, ce que le président Ferrand a accepté, et je l'en remercie. Laurent Saint-Martin et moi-même avons ainsi pu être entendus par l'assemblée générale du Conseil d'État et enrichir le texte des suggestions de cette dernière afin de le consolider juridiquement. L'expérience fut très instructive et l'échange de grande qualité.
Les propositions de loi que nous avons émises sont d'ailleurs tout à fait cohérentes avec les propositions formulées, à une époque récente, par Jean Arthuis et par la Cour des comptes dans des rapports discutés par notre assemblée.
L'examen des textes par l'Assemblée, puis par le Sénat, a permis d'améliorer les choses sans remettre en cause les grandes lignes de nos propositions : nous avons ainsi pu renforcer le pilotage pluriannuel de nos finances publiques, construire une grille de lecture plus parlante et plus compréhensible du budget, distinguant les dépenses de fonctionnement et d'investissement, restreindre les dérogations aux grands principes tels que celui de l'universalité de l'impôt, rationaliser l'examen parlementaire à l'automne – Dieu sait qu'il en a besoin, comme le savent ceux, nombreux ici, qui y participent ! – et toute l'année, avec une meilleure articulation des débats existants et un nouveau temps d'échanges politiques très forts autour de la dette et des finances locales. Nous avons aussi étendu, ce dont je me félicite, la compétence du Haut Conseil des finances publiques.
Le texte issu de la CMP s'inscrit dans cette ambition. Comme cela a déjà été souligné, aucune révolution n'était possible – ni, du reste, souhaitable – à cadre constitutionnel constant, mais le travail accompli est un travail nécessaire, efficace et utile.
Le rapporteur ayant déjà présenté un grand nombre des points principaux de ce texte, je me concentrerai sur quelques-uns d'entre eux. Il s'agit d'abord, comme l'a évoqué Laurent Saint-Martin, de la distinction entre investissement et fonctionnement. Après de nombreuses réunions sur le sujet, nous sommes parvenus à un accord au sein de la CMP : nous allons intégrer dans la loi de programmation des finances publiques une prévision d'évolution en volume, en milliards d'euros, du montant des dépenses d'investissement des administrations publiques. L'identification de ces dépenses d'investissement sera présentée pour chaque période dans le rapport annexé à la loi de programmation. Elle reposera sur une nouvelle définition moins comptable que celle qui est inscrite aujourd'hui dans la LOLF : les dépenses d'investissement sont considérées comme des investissements lorsque leur contribution à la croissance potentielle du produit intérieur brut et à la transformation structurelle du pays et à son développement social et environnemental à long terme sont acquis. Cette définition correspond assez bien à la manière dont le Gouvernement présente un grand plan d'investissement intitulé France 2030 ou un plan de relance qui consacre certains investissements.
Par ailleurs, l'article liminaire à chaque loi de finances actualisera, pour l'année en question, l'état des prévisions relatives aux dépenses d'investissement, conformément à cette nouvelle définition. Tout cela s'articule très bien avec l'idée d'un débat sur la dette qui inaugurera la saison budgétaire d'automne.
Enfin, dans l'article d'équilibre figurera une ventilation des ressources et des charges selon ces deux catégories de fonctionnement et d'investissement, reposant sur l'actuelle classification des dépenses de l'État en sept titres. Il faudra poursuivre la réflexion sur ce sujet et continuer à l'enrichir.
Pour conclure, je remercie à nouveau tous les parlementaires et administrateurs qui ont contribué à l'écriture de cette proposition de loi organique et à son adoption commune. Je rappelle à ce propos que le président Ferrand organise dans une semaine à l'Assemblée nationale un colloque sur les vingt ans de la LOLF.
On présente souvent cette dernière comme notre constitution financière et je tiens, à cet égard, à rendre hommage à Didier Migaud et à Alain Lambert. Nous nous préoccupons de léguer à nos enfants des finances publiques saines, et cela dépend avant tout de la volonté politique, qu'aucun texte, même constitutionnel, ne peut remplacer. J'ai cependant la conviction que la révision de la LOLF que nous vous proposons aujourd'hui est une brique utile et nécessaire à cet édifice. Lorsque nous aurons voté les conclusions de la CMP, nous pourrons dire que nous n'étions pas nombreux, mais que nous y étions !