Nous sommes de nouveau réunis pour examiner le projet de loi de finances rectificative pour 2021.
Je voudrais revenir à mon tour sur la prime de pouvoir d'achat que vous comptez instituer à l'occasion de ce PLFR. Je vous pose à nouveau les questions auxquelles vous n'avez jamais répondu concernant les injustices liées à cette prime de pouvoir d'achat.
Première injustice : certains des Français qui en ont le plus besoin ne la percevront pas. Ainsi, une mère célibataire de trois enfants qui gagne 2 050 euros par mois ne percevra pas la prime de 100 euros que vous instaurez. Que lui dites-vous, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général ? Elle n'aura droit à rien pour faire face aux 800 euros d'augmentation moyenne du prix de l'énergie, quand on combine l'augmentation du gaz ou du fioul avec celle des carburants.
Deuxième injustice : certains des Français assujettis à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) pourront toucher les 100 euros du Gouvernement. Même si je reconnais que cette situation, qui se rencontre, n'est pas très fréquente, un couple assujetti à l'IFI qui perçoit 200 000 euros de revenus par an et dont l'un des membres gagne 1 500 euros par mois, aura droit aux 100 euros du Gouvernement.
Troisième injustice : avec un même niveau de revenu, des étudiants toucheront les 100 euros et d'autres non. Prenons le cas d'un étudiant qui conduit sa voiture pour aller travailler à temps partiel dans la restauration et qui gagne 800 euros par mois : s'il est rattaché au foyer fiscal de ses parents, il n'aura pas les 100 euros du Gouvernement, mais s'il ne l'est pas, il les touchera.
Quatrième injustice : le Gouvernement couvre moins du quart de la perte de pouvoir d'achat des Français liée à l'augmentation du prix de l'énergie. Pour un foyer de deux adultes et deux enfants qui se chauffe au gaz et roule avec un véhicule à essence, l'impact en 2021 des hausses du prix de l'énergie, en prenant en compte les augmentations du 1er octobre, s'élèvera à 793 euros, répartis en 572 euros pour le gaz et 221 euros pour l'essence. Ces chiffres ne reflètent que l'augmentation des tarifs par rapport à l'année passée, non la somme totale consacrée au gaz et à l'essence.
On constate donc que les 200 euros du Gouvernement – montant prenant en compte l'indemnité inflation et les 100 euros du chèque énergie pour les 6 millions de Français qui y sont éligibles – sont loin de couvrir la baisse de pouvoir d'achat subie en raison de l'augmentation du prix de l'énergie.
Dès lors, monsieur le ministre délégué, on voit bien que cette prime de 100 euros n'atteint pas les objectifs qui devraient être les vôtres.
Pour la même somme, 3,8 milliards d'euros, nous vous avions proposé d'inclure le carburant dans le chèque énergie tel qu'il existe aujourd'hui ; de rendre son versement automatique par virement bancaire pour éviter le non-recours au chèque énergie qui concerne un bénéficiaire sur cinq ; de doubler le nombre de bénéficiaires en les faisant passer de 6 à 12 millions de Français, afin d'inclure les classes moyennes et de leur donner un vrai coup de pouce ; de doubler son montant annuel, de 277 euros au maximum à 550 euros, pour apporter un vrai soutien aux ménages.
Nous vous avions aussi proposé de mettre en place une expérimentation : certaines collectivités locales décident d'un prix modéré pour les 20 ou les 50 premiers mètres cubes d'eau ; nous vous avions suggéré de prendre les mêmes dispositions pour le gaz ou pour le fioul. Vous avez balayé tout cela d'un revers de main.
Vous comprenez bien, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, que votre prime n'atteint pas son objectif d'aider les Français qui en ont le plus besoin.
Constitutionnellement, je ne suis pas certaine qu'elle soit entièrement dans les clous, puisque la jurisprudence assez constante du Conseil constitutionnel tend à ce que l'on prenne en compte le foyer fiscal et non les individus. Pour toutes ces raisons, nous estimons que votre prime inflation ne remplit pas ses objectifs.
Enfin, je reviendrai sur l'article liminaire et sur le niveau de déficit structurel, même si j'ai bien conscience que ce sujet n'intéresse pas grand monde. Nous vous avions dit à plusieurs reprises que le déficit actuel pouvait être divisé entre une partie conjoncturelle et une partie structurelle. Jusqu'à présent, vous aviez considéré l'ensemble du déficit comme conjoncturel.
L'Union européenne vous a rattrapés, puisque la Commission recalcule chaque année les deux composantes, structurelle et conjoncturelle, du déficit de chaque pays, en utilisant la même méthode pour tous les États membres – on ne peut donc pas l'accuser de défavoriser l'un ou l'autre. Pour la France, ses calculs montrent que le déficit public de la France est essentiellement structurel. Cela montre que notre économie a été fragilisée et cela confirme que nous n'avons que très peu d'industries : nous sommes ainsi les derniers en Europe pour la part de l'industrie dans la création de valeur ajoutée.
Vous avez fini, parce que l'Union européenne vous a demandé de le faire, par corriger la proportion de déficit structurel dans l'article liminaire de ce PLFR. J'espère que vous ferez la même correction pour le projet de loi de finances pour 2022, car cela assure la lisibilité de la nature du déficit ; cela montre également les fragilités de notre économie – contrairement à ce que vous affirmez – ainsi que l'insuffisance de l'impact des plans de relance.