Mes chers collègues, nous vous soumettons une proposition de résolution transpartisane qui vise à promouvoir un accord international ambitieux en faveur de la protection et de la gestion durable des mers et des océans, aujourd'hui gravement menacés.
Je salue et remercie notre collègue Jimmy Pahun, du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, à qui revient l'initiative de ce texte cosigné par plus de 200 députés issus de tous les groupes de notre assemblée. Son enjeu est majeur : il s'agit de la survie de la biodiversité marine et terrestre, de la survie même de l'humanité.
On ne répétera jamais assez que l'océan est le premier poumon de la planète : il produit 50 % de l'oxygène que nous respirons. Il est aussi le premier régulateur du climat, puisqu'il capte 90 % de la chaleur émise par les pollutions et absorbe près d'un tiers du CO
L'océan est aussi la mère nourricière de plus d'un milliard de personnes, dont il représente le premier apport en protéines.
À ces écobénéfices s'ajoutent tous les services rendus par l'océan sur le plan économique et social. En effet, des grandes villes côtières continentales d'Europe ou d'Asie jusqu'aux plus petites îles du Pacifique, l'océan est source de loisirs et d'évasion, facteurs d'attractivité permettant le développement économique de nombreux territoires littoraux. Il est donc bien évidemment source d'emplois, générant plus de 200 millions d'emplois directs, ne serait-ce que pour les secteurs de la pêche.
Enfin, l'océan est notre premier lien avec le reste du monde. Depuis toujours, il a porté les hommes vers de nouveaux horizons, de nouvelles conquêtes, il fait partie intégrante de l'histoire et 90 % du commerce mondial passe par voie maritime.
Toutes ces activités, qu'elles soient de loisirs ou commerciales, doivent être réalisées dans le respect de ces grands espaces et de leur biodiversité. Comme nous cohabitons sur terre, nous devons le faire en mer.
On pourrait passer une journée à parler des services rendus par l'océan. Vous l'aurez compris, ces fonctions sont vitales à notre survie. Or force est de constater que de nombreuses activités anthropiques – d'abord terrestres, mais aussi en mer – mettent gravement en danger cette immense richesse de biodiversité.
Ces faits sont étayés par de nombreux rapports, émanant notamment du GIEC – Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat –, qui nous alerte sur les conséquences de nos activités, responsables du changement climatique que nous vivons. Les effets de celui-ci sont déjà visibles et ressentis : réchauffement des mers et des océans, provoquant des phénomènes de blanchissement des coraux ; élévation du niveau des mers en raison de la fonte des glaces ; encore phénomènes d'acidification et de désoxygénation.
Tous ces phénomènes sont le signal de la mise en surchauffe de notre système océanique, aggravée par les pollutions d'origine plastique ou chimique : rejet d'hydrocarbures, perte de conteneurs, surpêche ou immersion illégale. Nous sommes clairement en train d'asphyxier le premier poumon de la planète, de piller notre mère nourricière et de considérer cet espace comme la poubelle de l'humanité. Il est temps de changer de paradigme.
En confrontant ces enjeux aux réalités, on comprend qu'il est urgent et salutaire de s'engager plus fortement pour la protection de l'océan dans sa globalité. Notre responsabilité est d'autant plus grande que la France dispose du deuxième domaine maritime mondial : 11 millions de kilomètres carrés, dont 97 % outre-mer.
À ce titre, rappelons les avancées que le Gouvernement et le Parlement ont décidées durant cette législature. Nous avons décidé de nombreuses actions, à commencer par l'inscription de la mer et des océans au cœur même de notre Constitution. Malheureusement, ce projet de loi constitutionnelle n'a pas abouti, j'espère que nous le mènerons à terme lors de la prochaine législature.
En 2019, nous avons été cent dix parlementaires de tous bords à relayer l'appel « Océan bien commun », lancé par une alliance de personnalités engagées. Cette même année, les députés ont été unanimes pour demander l'interdiction immédiate de la pêche électrique dans nos eaux territoriales.
Dans la loi « climat et résilience », nous avons inscrit dans le marbre l'objectif de classer 30 % du territoire maritime en aires marines protégées, dont un tiers en protection forte. Par voie d'amendement, nous avons encouragé la création d'un programme Carbone bleu en faveur de la gestion de nos aires marines. Car en plus de créer des aires protégées, nous devons garantir l'effectivité de la gestion de ces espaces immenses. L'enseignement des enjeux insulaires, littoraux et ultramarins devra faire partie des programmes scolaires. Et hier, en commission des lois, nous avons adopté un amendement au projet de loi 3DS – relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale – pour y ajouter la sensibilisation aux risques naturels.
Ces mesures encourageantes qui portent sur notre zone économique exclusive (ZEE) doivent absolument être complétées par une série d'actions cohérentes pour la haute mer. En effet, les ZEE des États ne recouvrent que 40 % de l'espace maritime mondial. Nous devons aussi agir sur les 60 % restants. Nous parlons souvent des mers et des océans, mais nous n'avons qu'un océan en partage, et il est sans frontière. Il subit les mêmes effets en Europe ou dans l'hémisphère sud, en zone tempérée, polaire ou tropicale.
C'est le sens de cette proposition de résolution.
Elle sert tout d'abord un objectif de protection et de préservation. Nous voulons ouvrir la possibilité de créer de grandes aires marines protégées en haute mer, associées à un plan d'innovation qui permettra de développer des activités en faveur de la résilience de nos territoires.
Nous prônons également un système équilibré de partage des avantages qui pourraient être tirés à l'avenir des ressources génétiques marines. Nous devons appliquer le protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, en faveur des populations les plus vulnérables à ce changement climatique, en particulier celles des États insulaires. Les pays en voie de développement sont les premières victimes des activités polluantes sur cette planète.
Nous devons enfin mettre en place un dispositif d'évaluation. Nous devons faire preuve de transparence, être cohérents avec nos politiques publiques, capables d'autocritique, et évaluer nos efforts de façon harmonisée avec le reste du monde. C'est pourquoi le projet d'accord sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la compétence nationale – dit BBNJ, pour Biodiversity Beyond National Jurisdictions – est fondamental.
Au-delà de cet accord, trois enjeux s'imposent à nous. Il nous faut mieux connaître ces espaces : nous connaissons à peine 20 % des fonds océaniques ; nous ne comprenons pas complètement les fonctions de l'océan en tant que régulateur du climat. Mieux comprendre les interactions entre l'océan et le climat, c'est aussi nous permettre de mieux lutter contre le changement climatique.
La France a engagé un vaste programme de recherche, il faut absolument le poursuivre et voter en ce sens le futur projet de loi de finances pour 2023.
Deuxième enjeu : il faut un soutien massif à l'innovation, notamment dans le domaine des transports maritimes, en encourageant le verdissement des flottes. Je vous encourage, lors de la seconde lecture de la première partie du projet de loi de finances pour 2022, à mieux soutenir la propulsion vélique auxiliaire.
La haute mer est aussi un enjeu géostratégique majeur puisque le réchauffement climatique entraînera l'ouverture de nouvelles routes maritimes.
Pour conclure, j'aimerais citer un célèbre penseur du Pacifique et universitaire, Epeli Hau'ofa, qui a écrit il y a déjà un demi-siècle : « nous sommes l'océan, nous devons nous éveiller à cette vérité ancienne ». Nous venons tous de l'océan, c'est notre héritage, notre histoire, notre passé, mais c'est aussi et surtout notre avenir.