Intervention de Bérangère Abba

Séance en hémicycle du jeudi 25 novembre 2021 à 9h00
Pour la conservation et l'utilisation durable de l'océan — Discussion générale

Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la biodiversité :

Chère Maina Sage, cher Jimmy Pahun, je vous remercie pour cette proposition de résolution. La France est une grande puissance maritime, vous l'avez rappelé, et votre combat, comme la voix extrêmement forte du Parlement aujourd'hui, contribuent à protéger les océans. C'est un message extrêmement fort que nous adressons au monde. Votre soutien dans les négociations, mesdames, messieurs les députés, dans le cadre du futur traité BBNJ, est extrêmement précieux.

Votre projet de résolution porte sur un enjeu majeur qui requiert notre mobilisation totale et une action diplomatique forte et engagée. L'océan couvre plus de 70 % de la surface de la planète ; il est un irremplaçable pourvoyeur de ressources et un vecteur d'échanges économiques, mais aussi le plus grand régulateur des équilibres environnementaux. Poumon de la planète, il préserve et produit 50 % de notre oxygène, absorbe près de 25 % des émissions humaines de CO2 et 90 % de l'excédent de chaleur. Il nourrit plus de 3 milliards de personnes et les activités qui lui sont liées contribuent à l'économie mondiale à hauteur de 2 500 milliards de dollars, soit quelque 4 % de la valeur ajoutée brute mondiale.

Pourtant, vous l'avez dit, l'océan est aujourd'hui en danger : des pollutions, des dégradations d'écosystèmes, l'acidification, la surpêche, ou encore l'exploitation des fonds marins fragilisent sa santé. L'espace maritime est devenu un lieu de tensions, des conflits surgissant autour de ses différents usages. Il nous faut à tout prix éviter d'atteindre le point de non-retour.

L'effort se joue aussi au-delà de nos juridictions, en haute mer. Il se joue aussi à terre : c'est tout le continuum terre-mer qui exige notre vigilance. Les activités humaines sont bien souvent la cause des dérèglements et notre action doit porter sur tous les secteurs d'activité, qu'il convient de décloisonner, au niveau national comme international, dans un cadre interministériel.

Les négociations de la COP15 à la Convention sur la diversité biologique (CDB) sont l'occasion de fixer des objectifs ambitieux en matière de protection des mers et des océans. La France, qui assure actuellement la présidence du groupe I de la Commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO et donc la vice-présidence de cette instance, défend la cible de protection globale de 30 % des terres et des mers d'ici à 2030. En adoptant cet objectif lors de la 41e session de sa Conférence générale, en octobre dernier, l'UNESCO avait déjà envoyé un message fort.

S'agissant plus particulièrement de la biodiversité marine dans les zones qui ne relèvent d'aucune juridiction nationale, la France contribue activement aux négociations dites BBNJ, sous l'égide des Nations unies. Ces négociations sont entrées dans la phase décisive de rédaction d'un traité. Celui-ci est en cours d'élaboration depuis 2018, mais la pandémie de covid-19 a conduit à la suspension des travaux formels, qui devraient reprendre à New York en mars 2022, au cœur de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Notre pays y portera donc la voix de l'Union, ce qui lui donne une responsabilité particulière.

Sur le fond, cet accord de mise en œuvre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer devra permettre d'assurer une meilleure gouvernance de l'océan. Nous devons apporter des réponses opérationnelles pour créer des aires marines protégées en haute mer ; établir un cadre global pour évaluer l'impact environnemental des activités engagées en haute mer ; définir un régime d'accès aux ressources génétiques marines et de partage des avantages issus des produits commercialisés, pour assurer une certaine équité entre les pays développés et les pays en développement ; organiser le transfert des technologies au profit des États en développement, très affectés par la dégradation de la santé des océans. La France promeut un traité ambitieux, novateur dans son approche écosystémique, holistique, cherchant à établir un équilibre entre la conservation et l'utilisation durable des ressources et de la biodiversité en haute mer. Elle œuvre dans ce cadre pour la reconnaissance de l'océan comme bien commun.

Au niveau européen, la France défend la voie d'un partage, sur une base volontaire, des avantages issus de l'utilisation des ressources génétiques marines. Elle soutient la coopération avec les organisations internationales et régionales pour la création d'outils de gestion par zone en haute mer, y compris pour les aires marines protégées dotées de plans de gestion opposables. Elle promeut l'adoption d'un seuil exigeant pour le déclenchement des études d'impact environnemental, conforme à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et cohérent avec l'état de l'océan. Elle souhaite également assurer aux États en développement l'accès au financement de leurs activités, notamment à travers l'utilisation du Fonds pour l'environnement mondial. Enfin notre pays œuvre pour institutionnaliser et faciliter l'échange, la transparence et la coopération au niveau global. Les lieux de débat pour construire cette gouvernance sont nombreux.

La France prend toute sa part dans le cadre européen. C'est en effet à Bruxelles que s'élaborent les positions que l'Union européenne défend au siège des Nations unies au nom de ses États membres. La délégation française y est particulièrement active, ses positions étant généralement plus allantes que celles des autres partenaires. Les positions françaises sont élaborées en concertation avec l'ensemble des administrations nationales concernées. Nous menons un dialogue régulier avec les organisations non gouvernementales (ONG) et la société civile – j'étais encore hier avec le comité France océan –, cette coopération étant essentielle.

Au niveau international, la mobilisation vise l'adoption d'un accord par le plus grand nombre d'États en 2022. Notre objectif est d'aboutir à un traité ambitieux, c'est-à-dire universel, solide et efficace en vue d'assurer la protection de la biodiversité des océans et l'utilisation durable des ressources marines.

Pour atteindre un tel objectif, il faut avant tout, vous l'avez dit, une forte implication politique. Si nous sommes ici aujourd'hui, grâce à vous, mesdames et messieurs les députés, c'est que nous sommes soudés et prêts à défendre ensemble les océans.

La France mène un dialogue permanent avec les États tiers, qu'elle mobilise et encourage à adopter une attitude constructive. Notre pays a notamment coorganisé des ateliers de travail qui ont permis de réunir des chefs de délégations étrangères et des ONG, et d'ouvrir le dialogue avec les acteurs privés. Lors du G7 et du G20 comme dans le cadre de nos échanges bilatéraux, nous faisons entendre une voix forte. La France copilote avec le Costa Rica la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples, qui défend l'objectif de protection d'au moins 30 % des terres et des mers d'ici 2030.

Pour aller encore plus loin, en accueillant, en septembre 2021, à Marseille, le Congrès mondial de la nature de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le Président de la République a annoncé l'organisation, début 2022, à Brest, du One Ocean Summit entièrement dédié à ces questions. La mobilisation autour de ces enjeux est forte ; le calendrier nous y oblige. Le One Ocean Summit, qui se tiendra du 10 au 12 février 2022, offrira l'occasion de rassembler chefs d'État et de gouvernement, entreprises, acteurs de la recherche et de la finance, organisations internationales et société civile, pour préparer les négociations à venir. Nous ferons de ce rendez-vous un sommet des solutions, de l'innovation et de la gouvernance partagée.

Le One Ocean Summit permettra d'accélérer de manière substantielle l'agenda international. Dans ce cadre, nous serons pleinement mobilisés. Je participerai à tous les événements majeurs qui se tiendront dans les mois à venir.

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