Intervention de Michèle Victory

Séance en hémicycle du jeudi 25 novembre 2021 à 15h00
Risque d'épuisement administratif des français — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

L'intérêt du sujet de cette proposition de résolution est indéniable. Beaucoup de nos concitoyens sont fatigués de devoir parfois batailler contre l'administration après avoir mené leurs combats du quotidien. Et ce sont eux que nous retrouvons dans nos permanences, excédés, découragés, fatigués et désabusés, en colère aussi, qui viennent chercher de l'aide pour démêler des dossiers qui pourtant pèsent lourd sur leur quotidien : emploi, santé, retraites ou allocations qui ne sont plus versées, demandes de documents ou de rendez-vous qui virent au cauchemar – ou au sketch quand on a vraiment le sens de l'humour.

Le constat lui aussi est indéniable : la proportion des administrés qui éprouvent des difficultés administratives est considérable : un Français sur dix. C'est du côté de la jeunesse que les chiffres deviennent préoccupants, puisque 37 % des 18-24 ans disent éprouver des difficultés à accomplir leurs démarches administratives, alors que cette jeunesse est réputée familière du numérique.

Ainsi que le rappelle l'exposé des motifs de cette proposition de résolution, « 12 % de ceux qui rencontrent des problèmes avec l'administration disent abandonner leurs démarches, un taux qui atteint 18 % chez les personnes précaires ou isolées, tandis que les agriculteur(ice)s, (25 %), les inactif(ve)s (16 %) ou encore les personnes non titulaires du baccalauréat (15 %) déclarent, plus souvent que l'ensemble de la population, abandonner les démarches face aux problèmes rencontrés avec l'administration. »

Enfin, ce qui semble particulièrement alarmant est le pourcentage de non-recours aux droits lié à la complexité administrative, soit près de 30 %. Cela nous dit que les outils ne suffisent pas toujours à produire des résultats, et que les blocages qui empêchent les citoyens de se saisir de leurs droits et de les faire valoir sont bien plus complexes qu'une lecture trop rapide pourrait nous le faire penser.

L'impact négatif de cet épuisement administratif est évident. Il mine le moral et, surtout, il abîme la relation entre l'administration et les citoyens. Or, c'est ici la confiance qu'il convient de renforcer entre eux sur le modèle de la grande loi de 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. C'est dans cette logique qu'il faudrait prendre ce problème à bras-le-corps.

Parce que notre époque, celle du numérique, n'a pas amélioré les choses à cet égard, nous ne pouvons nous contenter d'instaurer des outils sans penser aux réalités sociales et culturelles des utilisateurs. S'il peut être difficile de se faire entendre par une personne, essayons donc de discuter avec un ordinateur… L'administration a besoin d'agents parce que c'est d'humanité qu'elle a besoin avant tout. Le recours au tout numérique peut faciliter les choses, certes, mais pour une partie de la population qui est connectée et qui n'a pas de difficulté avec l'informatique.

Ce dont il faut parler aujourd'hui, c'est de la fracture numérique et de la nécessité pour l'administration de s'adapter à la diversité de son public. Le numérique qui devrait accompagner et soulager est trop souvent synonyme de lourdeurs, de difficultés nouvelles. Et que pouvons-nous répondre à celles et ceux qui font d'autres choix que le numérique, car il y en a ? Est-ce l'administration et nos fonctionnaires qu'il faudrait blâmer ? À l'évidence non, tant il apparaît qu'ils exercent des missions essentielles dans des conditions qui sont, hélas ! loin d'être faciles compte tenu de moyens souvent insuffisants pour remplir leur fonction dignement. Il serait trop facile de pointer du doigt l'administration, de monter les Français les uns contre les autres, car finalement c'est aussi sur notre force collective à défendre ces services au public qu'il faut nous interroger.

Ce dont nous avons besoin, c'est de renforcer les capacités humaines de nos administrations afin de leur permettre de remplir leur rôle : permettre l'accès aux droits et aux services publics. Voilà la direction qu'il convient d'emprunter si nous voulons répondre simplement aux attentes de la majorité des Françaises et des Français et mettre un terme à des situations trop souvent ubuesques, voire dramatiques.

Voilà pourquoi, si nous soutenons en partie les préconisations de cette proposition de résolution, nous estimons que les solutions suggérées oublient l'essentiel, à savoir les moyens de rendre effective cette promesse de la République de donner accès à tous les citoyens – égaux en droit par principe – à des services publics de qualité partout sur notre territoire. L'intention est une chose, les mesures concrètes qui produisent des résultats dans le quotidien de nos concitoyens en sont une autre. Nous en restons donc à l'intention avec laquelle nous ne pouvons qu'être d'accord. En conséquence, nous voterons cette proposition de résolution.

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