Cela fait plus d'un siècle que l'État français n'a pas connu une crise sanitaire aussi importante que celle que nous vivons depuis maintenant plus d'un an. Pendant très longtemps, l'État, les médias et l'opinion publique ont été obnubilés par la gestion au jour le jour de la crise ; ce véritable fiasco sanitaire a été amplifié par l'impréparation et le manque d'anticipation du Gouvernement. Aujourd'hui, les vagues épidémiques se succèdent encore.
Plus d'un an et demi après le début de la crise, nous en sommes toujours à une gestion à la petite semaine, comme on a pu le voir à l'occasion de votre grand numéro d'improvisation s'agissant de la troisième dose de vaccin. Mais les malades, eux, sont toujours là. Ils sont même nombreux à avoir développé une maladie longue après avoir contracté le virus. Aussi devons-nous continuer à nous adapter à cette situation inédite. Des études sont en cours pour tenter de comprendre les raisons expliquant la persistance de certains symptômes, afin de réussir à les soigner.
Selon les informations du magazine scientifique Epsiloon, l'explication pencherait vers la piste immunitaire. Mais nous ne pouvons pas attendre d'avoir une certitude scientifique pour prendre en charge les patientes et les patients et, comme le recommandait Descartes, il nous faut définir une ligne d'action « par provision ». Aussi le présent texte, proposé par le groupe UDI-I, est-il particulièrement bienvenu.
En effet, à l'heure actuelle, les patients sont démunis, renvoyés d'un interlocuteur à l'autre au sein d'un système de santé toujours sous pression. Ces malades chroniques de la covid sont pourtant nombreux. Plusieurs mois après une infection à la covid-19, des personnes subissent encore des symptômes de la maladie : le quotidien reste perturbé par un épuisement au moindre effort, des difficultés à se concentrer, des douleurs, des courbatures, des maux de tête, la perte du goût ou de l'odorat, des pertes de mémoire ou des confusions ou des troubles du sommeil, pour n'en citer que quelques-uns ; près de 200 symptômes ont été recensés. Certains sont particulièrement incapacitants et peuvent empêcher de reprendre le travail ; un covid long peut donc avoir des conséquences financières importantes.
Trois mois après le diagnostic, un adolescent sur cinq conserve au moins un symptôme et un sur sept, au moins trois ; les chiffres, établis grâce à une étude britannique, sont d'ailleurs comparables pour les adultes. Selon l'OMS, une personne sur dix présenterait encore des symptômes après douze mois. Le 6 octobre dernier, l'OMS a reconnu l'existence d'un syndrome post covid et au Royaume-Uni, 1,1 million de personnes ont déclaré avoir les symptômes d'un covid long. Ce syndrome que nous connaissons mal s'installe et risque de toucher des millions de personnes en France.
Nous approuvons donc la volonté d'organiser et de planifier la prise en charge des patients en créant une plateforme de suivi et un protocole d'action, comme le prévoit ce texte.
Quelques nuances sont à apporter : le dispositif de suivi prévu est exclusivement numérique. Or le numérique laisse de côté toutes les personnes qui n'y ont pas accès, faute de moyens, par illectronisme, ou parce que leur lieu de vie n'est pas couvert par ces technologies. La fracture numérique concerne 17 % de la population selon l'INSEE. Là encore, nous constatons que le tout-numérique entraîne un recul du service public et des guichets de proximité.
Concernant la sécurité des données de santé, la plateforme de suivi sera numérique et déclinée sur sites internet et applications. En tant que corapporteur d'une mission d'information sur la cyberdéfense, je ne peux que vous alerter, une fois encore, sur ces outils. Ils peuvent sembler pratiques, mais ils sont particulièrement dangereux si leur sécurité n'est pas assurée. Il y a eu de nombreuses fuites de données médicales, qui constituent autant de violations potentielles du secret médical.
En outre, il faudrait aller plus loin dans la reconnaissance de la covid-19 comme d'une affection pouvant perturber durablement la vie des personnes qui en souffrent. D'innombrables personnes l'ont contracté sur leur lieu de travail, notamment pendant la première vague où nous avions si peu de protections : personnel soignant, bien sûr, mais aussi professeurs, caissières, employés des services dits essentiels qui ont continué à être ouverts pendant le confinement, ce qui a particulièrement exposé les travailleuses et travailleurs. Les agents de l'État n'ont pas été plus protégés que les autres par leur employeur.
En conclusion, ce n'est pas aux gens de payer dans leur corps l'incurie du Gouvernement. La crise sanitaire du coronavirus, c'est l'échec du laisser-faire à outrance : destruction de l'hôpital public, incapacité à anticiper, réduction des coûts au détriment de la qualité des soins et des conditions de travail du personnel. La gestion de cette nouvelle vague est révélatrice des maux enracinés dans nos sociétés : alors que l'hôpital public est exsangue, qu'il manque du personnel dans tous les services, que tout le monde est épuisé, il faut encore s'occuper des nouveaux malades et continuer à soigner ceux qui sont affectés par un covid long.
Dès 2022, il faudra reconstruire le service public hospitalier pour recréer un accueil serein des patients et de bonnes conditions de travail pour les soignants, et créer un pôle public du médicament et relocaliser une partie de la production en France.