Intervention de Grégory Labille

Séance en hémicycle du vendredi 26 novembre 2021 à 15h00
Emploi des travailleurs expérimentés jusqu'à la retraite — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGrégory Labille :

Cette proposition de loi est issue des travaux réalisés par la mission d'information sur l'emploi des seniors dont notre collègue Valérie Six était présidente, et je souhaite saluer son excellent travail, tant dans le cadre du rapport d'information que dans celui de la proposition de loi soumise à notre examen. En dehors des positions de chacune et de chacun, je crois que nous nous réunissons tous autour d'un même constat : celui de la marginalisation durable des seniors sur le marché de l'emploi.

Le taux d'emploi des seniors reste trop faible dans notre pays malgré les politiques publiques et malgré le plan de relance. Ces travailleurs sont pourtant riches ! Riches d'un savoir-faire et d'années d'expérience qu'il nous faut apprendre à mieux valoriser. À une époque où le chômage de masse côtoie des centaines de milliers d'emplois vacants, nous avons plus que jamais besoin de former des travailleurs, de les faire monter en compétences. Les travailleurs expérimentés constituent une partie de l'équation : ils détiennent des compétences qu'ils sont tout à fait capables de transmettre aux jeunes qui s'insèrent sur le marché de l'emploi et, plus globalement, à tous les travailleurs en reconversion professionnelle ou désireux de se former davantage.

Nous le disons souvent dans l'hémicycle, et je le répète avec force : nous sommes convaincus que nul n'est inemployable, que chacun a quelque chose à donner, qu'il est capable de faire et d'entreprendre. Charge à nous, législateur, de mettre en place un système capable d'orienter ces personnes vers la bonne formation, vers la bonne offre d'emploi, en valorisant les compétences acquises, en sensibilisant les employeurs, en créant un écosystème propice à leur embauche.

À 50 ou 55 ans, lorsqu'un travailleur a le malheur de connaître une période de chômage, parfois même pour la première fois, il a toutes les chances de rester longtemps dans cette situation. Pour beaucoup, c'est un traumatisme. Lorsque le travail a rythmé votre quotidien pendant des décennies, lorsque vous vous y épanouissez, lorsque vous êtes fier du travail réalisé et des compétences développées, lorsque vous assimilez le travail que vous fournissez à votre rôle dans la société, si vous perdez votre emploi et tout espoir d'en retrouver un, l'ensemble de vos repères s'effondrent.

Lorsque nous nous réjouissons de la relance, il nous faut collectivement nous demander à qui profitent les 6 % de croissance. Car, manifestement, la relance économique n'a eu aucun effet à court terme sur l'intégration des seniors dans l'emploi.

La proposition de loi apporte des éléments de réponse. Les deux premiers articles instaurent un label 50+, pour reconnaître et faire connaître les bonnes pratiques des entreprises en matière de maintien dans l'emploi ou de recrutement des salariés de 50 ans et plus. Ces articles créent aussi un index Dynamique des âges reposant sur des critères tels que le taux de formation, le taux d'emploi ou encore la mobilité interne des salariés âgés de plus 50 ans dans l'entreprise. Il ne s'agit pas d'une comparaison salariale.

L'article 3 instaure un entretien professionnel appelé entretien 45+. Ce moment permettra de mieux préparer la seconde partie de carrière du salarié en faisant le point sur ses compétences, sur son travail et sur les éventuelles évolutions de son métier. L'article 4 intègre l'accompagnement spécifique des demandeurs d'emploi âgés de plus de 50 ans dans la convention pluriannuelle tripartite, afin de développer les nombreuses initiatives locales qui ont obtenu des résultats probants dans ce domaine. L'article 5 permet aux travailleurs en cumul emploi-retraite de constituer de nouveaux droits sur la base de leur activité professionnelle. Beaucoup de groupes ont exprimé leur préoccupation quant au déficit de notoriété et d'utilisation du dispositif de cumul emploi-retraite : selon la DREES – direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques –, seuls 3,4 % des retraités s'en serviraient.

Telle était la teneur de la proposition de loi dans sa version initiale, version profondément dénaturée en commission par la majorité avec trois amendements de suppression, trois réécritures d'articles et un article inséré. Autant dire que le texte n'a malheureusement plus rien de commun avec le formidable travail réalisé par notre rapporteure. Nous le regrettons sincèrement.

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