Intervention de Nicolas Turquois

Séance en hémicycle du vendredi 26 novembre 2021 à 15h00
Emploi des travailleurs expérimentés jusqu'à la retraite — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Turquois :

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à favoriser le maintien et le retour dans l'emploi de ceux que l'on appelle communément les seniors, c'est-à-dire les travailleurs expérimentés âgés de 50 ans et plus. Elle part d'un constat que nous partageons tous. Si les chiffres du chômage sont les meilleurs que nous ayons jamais enregistrés depuis plus de dix ans, le taux d'emploi des seniors reste bien trop faible : à peine plus de 50 % en 2019, soit l'un des plus faibles d'Europe, même si le taux d'emploi des seniors, à l'image de celui des femmes, a progressé de manière historique ces dernières années, en particulier depuis les années 1990.

La majorité, aux côtés du Gouvernement, s'est saisie de la question au cours de la législature. Le plan d'investissement dans les compétences, par exemple, constitue un dispositif spécifique et personnalisé visant à accompagner des demandeurs d'emploi de longue durée dont les travailleurs expérimentés constituent la part la plus importante. Nous avons également créé, l'an dernier, le contrat à durée indéterminée inclusion, qui permet aux salariés âgés de 57 ans et plus de bénéficier d'un suivi personnalisé jusqu'à la retraite. Bien sûr, il ne s'agit pas de solutions miracles, tant la tâche est immense. Il n'en demeure pas moins que toutes les initiatives proposées en la matière doivent être regardées attentivement. Elles doivent aussi faire l'objet d'une véritable concertation avec les partenaires sociaux, sans quoi elles resteront vaines.

Le texte propose des solutions incitatives pour que les entreprises se saisissent de la question du maintien et de l'accès à l'emploi des seniors. Néanmoins, si les dispositifs proposés apparaissent vertueux en théorie, leur efficacité ne semble pas garantie. L'instauration d'un label 50+ visant à promouvoir les bonnes pratiques en matière de recrutement, d'évolution professionnelle et de prévention de la désinsertion professionnelle nous paraît intéressante, même si les politiques RSE – responsabilité sociale des entreprises – les prévoient déjà, sous une forme différente. Nous avons voté en sa faveur en commission, afin de favoriser les entreprises proactives en matière d'emploi des seniors.

La création d'un index Dynamique des âges, cependant, nous semble peu opportune pour plusieurs raisons. D'une part, cet index est calqué sur celui de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; il ne nous apparaît pas cohérent de mettre ces deux initiatives sur le même plan. D'autre part, il est redondant avec l'index de la diversité créé en janvier 2021, dont l'une des composantes vise précisément les seniors. Par ailleurs, les disparités d'âge structurelles entre les secteurs d'activité limitent la pertinence du dispositif : on ne peut pas, par exemple, mettre sur le même plan le secteur du bâtiment et celui de l'informatique.

En outre, si l'ouverture de droits nouveaux pour les travailleurs en situation de cumul emploi-retraite est attendue, celle-ci ne peut pas être décorrélée d'une réforme globale du système de retraite. C'est la position que je défendais en tant que rapporteur du projet de loi instituant un système universel de retraite, il y a près de deux ans, et que j'ai reprise dans le rapport que j'ai remis au Gouvernement sur les pensions modestes, au mois de mai dernier.

Par ailleurs, le coût induit d'une telle disposition n'est pas négligeable, puisqu'il atteint près de 3 milliards d'euros. Cela justifie davantage encore de l'inclure dans une réforme d'ampleur, accompagnée d'une véritable étude d'impact.

Je persiste à penser qu'il nous faut travailler à élaborer un ensemble de mesures visant à rendre plus souple et plus progressif le passage du statut d'employé à plein temps à celui de retraité à temps partiel. Une telle transition serait utile à notre économie, qui a drastiquement besoin de travailleurs expérimentés, à la transmission des savoirs entre les générations, à nos réflexions relatives au financement du système de retraites, et très utile à tous nos compatriotes qui vivent mal un passage à la retraite brutal, total et définitif.

L'amendement, adopté lors de l'examen en commission, qui vise à renforcer, au moment de l'entretien de milieu de carrière, l'information sur les dispositifs de départ progressif à la retraite, va dans le bon sens, dans la mesure où il s'appuie sur le conseil en évolution professionnelle. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés soutiendra ce dispositif et, plus globalement, la version du texte issue de son examen, la semaine dernière, en commission des affaires sociales.

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