Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner une proposition de résolution, déposée par le groupe UDI et indépendants, qui vise à reconnaître le génocide des Kurdes en Irak, opéré sous le régime de Saddam Hussein. Ce sujet est particulièrement important alors que les crimes commis par ce régime ont conduit à décimer une grande partie de la population kurde sur ce territoire. Entre les années 1970 et 1990, ce sont ainsi près de 90 % des villages kurdes qui sont détruits, pas moins de 1,5 million de paysans qui sont internés et 400 000 Kurdes qui sont tués.
Face à ce bilan dramatique, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés ne peut que témoigner de sa solidarité vis-à-vis de la population kurde et condamner l'inhumanité des actions perpétrées par les autorités irakiennes de l'époque à son encontre. Nous sommes évidemment sensibles à la proposition du groupe UDI et indépendants, tout en rappelant qu'une telle prise de position ne peut se faire qu'à une échelle internationale et qu'initier un tel processus nécessite du temps et toute la rigueur des historiens.
Il nous importe aussi de regarder la place accordée au peuple kurde dans l'Irak d'aujourd'hui. Rappelons que, depuis 2005, l'adoption par référendum d'une nouvelle constitution irakienne a marqué un tournant majeur en permettant la création d'une région kurde autonome et fédérée, le Kurdistan irakien. La mise en place d'un régime parlementaire en Irak s'est depuis traduite par une représentation équitable de toutes les composantes du peuple irakien, permettant ainsi une intégration croissante des Kurdes au processus de décision politique. Le dialogue est donc aujourd'hui constant entre les autorités irakiennes et kurdes, et leur relation tend de plus en plus à s'équilibrer.
La France a soutenu, et soutient aujourd'hui encore, l'autonomisation des Kurdes. En 2014, nous avons ainsi contribué à maintenir les capacités opérationnelles kurdes dans le cadre de la lutte contre l'État islamique. Notre relation avec la population kurde en Irak est également forte en matière culturelle, notamment à travers les actions de l'Institut français présent au Kurdistan irakien.
Enfin, lors de son récent déplacement en Irak, le Président de la République Emmanuel Macron a profité de sa visite pour appeler au respect des communautés, allant jusqu'à se rendre au Kurdistan irakien, où il s'est entretenu avec le président de la région autonome.
Le texte qui nous est présenté aujourd'hui invite le Gouvernement français à travailler avec l'Irak en vue de réparations pour les préjudices subis par les Kurdes. Si nous sommes bien conscients de la gravité des actes commis sous le régime de Saddam Hussein, notre groupe n'est toutefois pas favorable à cette proposition, au nom du respect des règles de non-ingérence.
En effet, selon nous, cette proposition unilatérale pourrait mettre à mal à la fois les relations que nous entretenons avec Bagdad et avec Erbil, mais aussi l'équilibre politique qui se construit progressivement, depuis 2003, entre le gouvernement régional du Kurdistan et l'Irak fédéral. Alors que le Président de la République a réaffirmé, lors de la conférence de Bagdad du 28 août dernier, l'importance de la souveraineté de l'Irak pour l'ensemble des Irakiens, y compris pour les Kurdes, il ne semble pas opportun que la France demande seule des réparations. Si la reconnaissance du génocide devait avoir lieu, cela nécessiterait de réunir des conditions propices pour qu'elle ne s'opère pas au préjudice de la stabilité en Irak.
Pour l'ensemble de ces raisons, notre groupe ne votera pas en faveur de l'adoption de la présente proposition de résolution.