Le sujet que nous abordons s'inscrit dans une lutte douloureuse d'un peuple qui a été soumis à de nombreuses exactions et souffrances, depuis plus d'un siècle et jusqu'à aujourd'hui. C'est un sujet sensible, car il s'agit de la qualification d'un crime de génocide.
Le terme « génocide » a été utilisé pour la première fois en 1944 par l'avocat polonais Raphael Lemkin, dans son livre intitulé Axis Rule in Occupied Europe. En 1946, le génocide a été pour la première fois reconnu comme un crime de droit international par l'Assemblée générale des Nations unies. Dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, le génocide consiste dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux : meurtre de membres du groupe ; atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique. Il y a donc deux éléments à rassembler pour qualifier un crime de génocide : l'élément psychologique, l'intention, et l'élément matériel, les faits.
Ce que l'on peut qualifier de génocide des Kurdes d'Irak, aussi connu sous le nom d'Anfal, a eu lieu de février à septembre 1988. Selon le tribunal spécial irakien et d'après les estimations fournies par les leaders kurdes, il a causé la mort de 50 000 à 180 000 civils kurdes. Il s'est déroulé en plusieurs étapes. Des zones interdites comprenant plus de 1 000 villages kurdes furent tout d'abord délimitées, toute personne qui s'y trouvait devant être tuée.
Jusqu'à 200 000 soldats irakiens, regroupés en seize divisions et un bataillon d'armes chimiques et soutenus par l'aviation, furent mobilisés pour perpétrer ces massacres. Pour la première fois en 2005, le tribunal de La Haye qualifie ces massacres de génocide. Il est bientôt suivi par le tribunal spécial irakien qui reconnaît, le 23 juin 2007, les auteurs des massacres coupables du crime de génocide.
Par conséquent, la question qui se pose à nous aujourd'hui est celle de la reconnaissance de ces crimes au niveau international, laquelle n'a pas été très claire, c'est le moins que l'on puisse dire. Au-delà des circonstances historiques et de la difficulté de cette reconnaissance au niveau international, il convient de s'interroger. Plusieurs parlements et plusieurs États ont reconnu le génocide des Kurdes en Irak. Cette question ne s'est pas encore posée pour la France ; je remercie le groupe UDI et indépendants d'avoir eu le courage de nous la soumettre. Le groupe Socialistes et apparentés votera la proposition de résolution qu'il a inscrite à l'ordre du jour.
Au-delà, je voudrais revenir sur une situation plus récente sur laquelle j'ai eu l'occasion d'interroger le Gouvernement. Le peuple kurde d'Irak ou de Syrie est un allié de la France. Au-delà des frontières, ce peuple subit abandon et souffrances. Dans le cadre des opérations militaires turques à la frontière syrienne, j'ai posé une question au Gouvernement le 9 octobre 2019 en signifiant que le silence du Quai d'Orsay vis-à-vis des Kurdes était intolérable.