Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du vendredi 26 novembre 2021 à 21h30
Reconnaissance du génocide des kurdes en irak — Explication de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Permettez-moi d'exprimer la tristesse de notre groupe après avoir entendu certaines interventions, dont celle du Gouvernement. Le soutien des groupes de l'Assemblée, à l'exception du groupe Socialistes et apparentés, ne va pas jusqu'à la reconnaissance du génocide. On peut être reconnaissant, dites-vous, mais pas jusque-là : ce serait trop.

M. Mbaye a avancé que la valeur sémantique ne serait pas la même que la valeur juridique. C'est vrai mais, pardon de vous le dire, nous avons eu exactement le même débat sur le génocide arménien. La valeur sémantique est donc aussi une valeur juridique. En outre, nous ne présentons pas une proposition de loi, mais une proposition de résolution, qui a d'abord et avant tout une valeur symbolique – y compris à l'adresse du Gouvernement, pour qu'il travaille.

Vous avez évoqué le déni des populations non kurdes que représenterait une reconnaissance du génocide des Kurdes. Cela signifie-t-il que quand a été reconnu le génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, on n'a pas reconnu celui des Tsiganes et on aurait dénié ces derniers ? Ce que vous dites là est absolument inconcevable ! Vous cherchez des raisons pour refuser ce texte : peut-être en existe-t-il de bonnes, mais en tout cas, celle-là ne me paraît pas recevable.

Le représentant du groupe communiste refuse, sous couvert de différents artifices, de reconnaître un génocide. Cela m'a grandement surpris, car entre 5 et 10 % de la population kurde a été sciemment éliminée, de façon organisée, comme l'a reconnu la présidente Valérie Rabault, que je remercie. Vous savez que cela s'est produit, mais vous estimez que non, ce n'est pas un génocide. Or, j'y reviendrai, il existe une grande différence entre génocide et crime de guerre, et c'est une des raisons pour lesquelles nous avons déposé cette proposition de résolution.

Plus de tristesse encore d'avoir entendu le groupe du Mouvement démocrate, notamment, dire que le génocide devait être reconnu au niveau international. Pardon, mais la Chambre des communes britannique l'a reconnu ! Mme Rabault a également évoqué le tribunal de La Haye, de même que le tribunal irakien lui-même. Mais nous, non.

Vous nous avez également dit que parce qu'il existait un nouveau pouvoir, et heureusement, il ne faudrait pas s'occuper du génocide perpétré par le pouvoir précédent. Je ne comprends pas la logique. La reconnaissance ou la dénonciation du génocide gênerait, avez-vous dit, nos relations avec l'État irakien – mais je n'imagine pas que l'actuel régime irakien se sente responsable du génocide perpétré par Saddam Hussein !

On voit bien que les arguments tournent et retournent autour du pot, pour dire avec beaucoup d'émotion combien nous sommes reconnaissants aux Kurdes, mais que nous n'irons pas jusqu'à reconnaître le génocide dont ils ont été victimes. Je ne le comprends pas. Vous pouvez mesurer l'horreur, mais vous refusez de la qualifier, de la nommer, comme nous l'avons pourtant fait pour le Rwanda, ainsi que pour les Arméniens – alors qu'à l'époque, le ministère des affaires étrangères, de la même façon, sous différents présidents, ne voulait surtout pas gêner nos relations avec la Turquie. Vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d'État, que c'était à l'Irak de faire le travail de mémoire : demandez-vous la même chose à la Turquie pour les Arméniens ? Avons-nous attendu que la Turquie décide de faire son travail de mémoire pour reconnaître, nous, le génocide arménien ? Je ne crois pas que ce soit ainsi que la France et la diplomatie française doivent se comporter.

Vous parlez d'amitié et de fidélité, mais non de reconnaissance de ce génocide. Or toutes les qualifications de génocide – l'organisation, la volonté, la systématisation – sont présentes, et c'est une grande différence avec le crime de guerre. Gazer 5 000 personnes peut être un crime de guerre, car le crime de guerre n'est pas – c'est juridique – l'entreprise de destruction systématique de tout ou partie d'une population. Or c'est bien ce qui a été entrepris au Kurdistan irakien.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.