Nous étions champions du monde, nous voilà à la remorque. À l'aube de l'an 2000, la France disposait du meilleur système de santé au monde selon le classement de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé. Vingt-et-un ans plus tard, notre pays s'accroche péniblement à la onzième position.
Ce déclassement doit beaucoup aux coups portés à l'hôpital public, devenu le terrain d'expérimentation privilégié de la privatisation et du new management. Il tient bien sûr à la compression des dépenses de santé au regard des besoins réels, que vous avez poursuivie sous ce quinquennat en imposant à la branche maladie un plan d'économies de 18 milliards d'euros au total, dont 4 milliards à la charge des établissements de santé.
Cette dégringolade s'explique aussi par le maintien de la tarification à l'activité, obligeant les hôpitaux à produire toujours plus d'actes pour se maintenir à flot, au prix d'une dégradation des conditions de travail et d'un épuisement du personnel soignant.
Cet affaiblissement tient enfin à l'application généralisée de la règle « pas d'hôpital de stocks, pour un hôpital de flux », qui a conduit les établissements à réduire les temps d'hospitalisation des patients, à fusionner les structures hospitalières et à fermer des lits au nom du virage ambulatoire – 13 330 lits supprimés depuis 2017, 5 700 rien que pour l'année 2020, sans parler des lits fermés en nombre au débotté, cet automne, faute de personnels.
Cette vision commerciale de la santé, cette marchandisation du soin, cette paupérisation du service public ont engendré chez les personnels une véritable crise de sens que les mesures d'un Ségur de la santé qui court après le train ne sont pas parvenues à désamorcer. Des banderoles sont toujours accrochées aux grilles de l'hôpital de Martigues.
Notre système public de santé est aujourd'hui plus fragile qu'avant la survenue de l'épidémie. Les soignants continuent de crier leur colère et de subir des cadences effrénées. Certains se tournent vers le privé dans l'espoir de meilleurs horizons. D'autres jettent tout simplement l'éponge, car ils ne s'étaient pas engagés pour ça.
Il ne sert donc à rien de fanfaronner en nous expliquant qu'aucune mesure d'économies n'est imposée aux hôpitaux dans le budget pour 2022. C'est le minimum que l'on puisse attendre de votre part après trois années de rigueur budgétaire et une crise sanitaire à laquelle notre système de soins n'était pas préparé. La manière dont vous avez géré cette crise dans laquelle nous sommes toujours plongés est loin de faire ses preuves en matière de santé publique, comme on l'a constaté de façon exacerbée ces derniers jours dans plusieurs territoires d'outre-mer. L'étude du groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE indique une baisse de la vaccination générale des enfants et adolescents depuis l'automne 2020. Nous sommes toujours suspendus au bon vouloir et aux dividendes de Big Pharma alors que nous devrions voir un pôle public du médicament prendre forme.
Au-delà de la politique de santé, c'est tout l'édifice de la sécurité sociale que vous avez écorné, abîmé au fil de ce mandat avec un plan en deux volets.
Vous l'avez d'abord attaqué à sa base en remettant en cause le financement par la cotisation. Vous avez supprimé des cotisations salariales pour les transférer sur la CSG, un impôt à la main de l'État essentiellement payé par les ménages. Vous avez désocialisé les heures supplémentaires. Vous avez démultiplié les dispositifs d'exonération de cotisations patronales, qui atteignent 70 milliards d'euros – contre 46 milliards à votre arrivée –, sans les évaluer au regard de leur efficacité sur l'emploi. Vous avez mis fin au principe de compensation intégrale par l'État de ces mêmes exonérations. Résultat : la sécurité sociale n'est plus en mesure de s'autofinancer, ce qui justifiera sans nul doute de futures mesures de redressement.
Vous avez également abîmé la sécurité sociale dans sa capacité à répondre aux besoins sociaux. Les retraites comme les prestations sociales furent un temps rabotées avant que la crise des gilets jaunes et l'épidémie vous imposent de revoir votre agenda. Vous avez renoncé à financer la perte d'autonomie à hauteur des besoins, vous bornant à créer une cinquième branche en forme de slogan.
C'est dans ce contexte, et en fin de course, que vous lancez un ballon d'essai avec un projet de grande sécurité sociale, visant à étendre le périmètre des soins remboursés par la puissance publique. Sur le papier, ça pourrait faire rêver. Nous défendons depuis longtemps le « 100 % sécurité sociale » pour mettre fin au non-recours aux soins et aux inégalités de prise en charge. La sécurité sociale mérite à nos yeux une nouvelle ambition, un financement renforcé et socialisé et une réappropriation par les travailleurs et les travailleuses, les usagers et les usagères.
Mais est-ce réellement votre projet ? Les actes politiques de ce quinquennat n'incitent guère à l'optimisme de ce point de vue. D'ailleurs, la presse indique d'ores et déjà que ce projet serait enterré – trop cher, trop compliqué, trop coûteux pour les entreprises, trop subversif pour les forces du marché. Un dernier aveu en forme de renoncement.
Plus de doute : la majorité a choisi son camp. Ce n'est pas celui de la santé, c'est celui du marché.