Merci pour cette invitation à débattre d'une cause qui nous a largement mobilisés depuis le début du quinquennat, particulièrement ces dernières années. La pollution plastique constitue un fléau ; on la retrouve dans les mers, les océans et tous les cours d'eau, ce qui en fait un danger global et le premier ennemi de la planète en matière de biodiversité. Contre cette pollution, le Gouvernement mène une politique de lutte ambitieuse, aux niveaux national, européen et international. Cependant, le combat est loin d'être gagné, ce qui rend nécessaires les temps de mobilisation tels que celui-ci, lorsque l'Assemblée nationale exprime une voix très forte.
On estime que d'ici à 2040, la production de plastiques aura doublé, et le déversement annuel de déchets plastiques dans les océans triplé. Les conséquences sont malheureusement bien réelles. Chaque année, 100 000 mammifères marins meurent à cause des déchets plastiques. Et notre extraordinaire biodiversité n'est pas la seule victime de cette pollution ; nous-mêmes avalons chaque semaine, selon les estimations, l'équivalent d'une carte bleue en microplastiques. Cela ne peut plus durer ; nous ne nous y résolvons pas.
La lutte contre la pollution plastique constitue donc une priorité environnementale, un enjeu sanitaire de premier plan et un impératif moral, concernant le respect de la faune marine. Je remercie donc les députés à l'origine de cette proposition de résolution, qui découle du rapport d'information de Mme la sénatrice Angèle Préville et de M. le député Philippe Bolo. Merci d'avoir, au nom de l'OPECST, porté le propos aussi haut. Je salue également le travail de la mission d'information sur les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique, présidée par Michel Vialay, dont Lauriane Rossi et Claire Pitollat étaient rapporteures. Le travail sur ce sujet est désormais global et très bien documenté. Enfin, je me félicite que la présente proposition de résolution ait été largement cosignée, de manière transpartisane. Dans ce domaine, je sais que nous pouvons compter sur un large consensus.
En effet, mesdames et messieurs les députés, nous partageons notre engagement pour une politique ambitieuse en matière de lutte contre la pollution plastique. Cela s'est traduit au niveau national par l'adoption de mesures majeures. Deux lois importantes ont été votées au cours du quinquennat : la loi AGEC et son complément, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite climat et résilience, que vous avez votée cet été. Elles nous ont fait franchir un cap en matière de lutte contre la pollution plastique.
En amont, nous agissons pour limiter l'utilisation de plastiques jetables. Nous visons la disparition progressive du plastique jetable d'ici à 2040. Cela peut paraître lointain, mais il s'agit de l'une des trajectoires les plus ambitieuses d'Europe et nous avons d'ores et déjà commencé à la suivre. Depuis janvier 2020, les gobelets, verres et assiettes en plastique jetables sont interdits. Depuis le 1er janvier 2021, d'autres produits jetables du quotidien sont bannis des magasins sous leur forme plastique, notamment les pailles, les couverts, les couvercles pour boissons, les confettis et les boîtes en polystyrène expansé. Ce n'est pas terminé : le 1er janvier 2022, l'emballage plastique qui recouvre les fruits et légumes sera interdit également, sauf exception – c'en sera fini des films, boîtes et autres filets en plastique. Dans deux ans, à partir du 1er janvier 2023, les fast-foods utiliseront de la vaisselle réutilisable pour la consommation sur place.
Pour aller encore plus loin, dans le décret dit 3R – réduire, réutiliser, recycler –, publié en avril 2021, nous avons défini l'objectif de diminuer de 20 % les emballages plastiques à usage unique d'ici à 2025. J'ajoute que la stratégie 3R dont il participe est en cours d'élaboration. Elle sera publiée début 2022 et pourra être révisée tous les cinq ans.
La loi « climat et résilience » tend à développer la vente en vrac, afin de limiter les emballages. Ainsi, en 2030, 20 % des produits vendus dans les moyennes et grandes surfaces devront l'être sans emballage. Parce que nous ne pouvons pas éliminer entièrement les emballages, nous agissons aussi, en aval, sur le recyclage : nous avons fixé l'objectif ambitieux de recycler 100 % de plastique en 2025. Or nous en sommes encore loin : sur les 3 millions de tonnes de déchets plastiques que nous produisons chaque année, moins d'un tiers est collecté en vue du recyclage. Pire, le recyclage est loin d'être systématiquement achevé : sur 1 million de tonnes de plastiques actuellement collectées, 300 000 tonnes seulement sont réincorporées dans de nouveaux produits. C'est pourquoi nous avons renforcé cette année les bonus pour les emballages qui incorporent du plastique recyclé. Pour aller encore plus loin, 370 millions d'euros viendront abonder le volet consacré au recyclage du programme d'investissements d'avenir, PIA 4, afin d'accélérer son développement, pour le plastique et d'autres matériaux du quotidien. Les moyens alloués sont donc sans précédent.
Concernant la biodiversité marine, nous avons présenté en 2020 un plan Zéro déchet plastique rejeté en mer, qui vise à atteindre cet objectif d'ici à 2025. Il comprend trente-cinq actions destinées à agir en amont du déversement des déchets en mer. Il est indispensable de prendre en considération le continuum terre-mer, puisque 80 % des déchets que l'on retrouve en mer viennent de la terre ; il faut absolument réduire ces volumes.
Comme vous l'avez compris, notre stratégie de sortie du plastique à l'intérieur de nos frontières se concentre sur les emballages, car ils représentent 40 % de la production de plastiques, mais 65 % des déchets. Elle tend à satisfaire la première recommandation de la proposition de résolution, qui vise à envisager un plan national sur les plastiques.
Les auteurs de la proposition nous encouragent également à instaurer un mécanisme financier de soutien aux plastiques recyclés. Nous avons adopté des dispositifs, que j'ai mentionnés, pour aller dans ce sens. Il faut sans doute accentuer l'effort, mais au niveau européen, car la lutte contre la pollution plastique ne connaît pas de frontières. Il faut harmoniser les règles pour renforcer notre action ; pour cela, nous devons agir au plan international.
Au niveau européen, l'instauration de la contribution plastique, à partir de cette année 2021, est un pas en avant. Elle doit notamment financer une partie du plan de relance de l'Union européenne, mais a surtout vocation à inciter les États membres à recycler davantage. L'objectif est bien sûr qu'à terme, ses recettes diminuent grâce à l'amélioration des capacités de recyclage de tous les États européens.
Les auteurs de la proposition de résolution nous appellent à appuyer l'extension de la liste des restrictions du règlement REACH aux microplastiques ajoutés intentionnellement. Nous partageons sans réserve cette proposition.
Vous nous incitez également à œuvrer auprès de nos partenaires européens pour qu'un paramètre lié aux microplastiques soit intégré dans le processus d'évaluation du bon état écologique des milieux aquatiques, avec la directive-cadre sur l'eau. J'y suis tout à fait favorable – vous imaginez à quel point. Toutefois, nous devons renforcer notre méthode normalisée pour mesurer et évaluer les dangers des microplastiques. C'est pourquoi une action dédiée à la mesure des microplastiques a été ajoutée fin 2019 au plan Micropolluants, afin de définir des méthodes d'analyse fiables. Un appel à manifestation d'intérêt concernant les projets de recherche est en cours d'élaboration, il sera doté d'un budget de 600 000 euros, afin de mieux comprendre les processus de transfert et de stockage des microplastiques dans l'eau et dans les sols. En parallèle, les travaux de normalisation se poursuivent au sein des différentes commissions dédiées de l'Association française de normalisation (AFNOR) et du Comité européen de normalisation (CEN).
Au niveau international, les déchets plastiques marins ne font l'objet d'aucun dispositif global contraignant et les solutions appliquées sont fragmentées. Le Gouvernement est convaincu que nous devons apporter une réponse ambitieuse, globale et coordonnée pour relever ce défi ; cela passe par l'adoption d'un nouvel accord mondial juridiquement contraignant. Cet accord devrait permettre aux pays de mettre en œuvre des plans d'action pour prévenir, réduire et éliminer la pollution plastique, selon une vision claire et commune, avec des objectifs ambitieux et mesurables et des indicateurs appropriés.
Telle est la position que la France défendra pendant les négociations à venir, lors de la cinquième Assemblée des Nations unies pour l'environnement de Nairobi, fin février 2022. J'aurai l'honneur d'en assurer la vice-présidence et je défendrai l'adoption d'une résolution lançant les travaux d'un comité intergouvernemental de rédaction d'un traité sur les plastiques.
Avec le One Ocean Summit annoncé par le Président de la République, qui se tiendra à Brest le 12 février, nous aurons à nouveau une occasion majeure de fédérer un maximum de pays autour de cet objectif et de ce projet de résolution. L'objectif consiste en effet à fédérer le plus largement possible autour du sujet très complexe des déchets plastiques marins, en envisageant des mesures concernant l'ensemble du cycle de vie des plastiques. Cela répond à votre ambition de disposer d'un cadre juridique international contraignant, permettant de limiter cette pollution.
S'agissant du problème des transferts transfrontaliers de déchets, la Convention de Bâle a été revue début 2021 pour renforcer, de manière restrictive, les dispositions qui encadrent les exportations de déchets plastiques vers les pays hors de l'OCDE. Nous avons donc un calendrier et un bouquet de réponses qui font écho à la proposition de résolution présentée aujourd'hui. L'intention des États-Unis de rejoindre les pays favorables à un accord global sur la pollution plastique, annoncée par Antony Blinken le 18 novembre, est évidemment une très bonne nouvelle pour l'ambition et la dimension du traité à venir.
La résolution mentionne également la situation spécifique de la mer Méditerranée ; le Gouvernement y est particulièrement sensible. La mer Méditerranée est la plus grande mer semi-fermée au monde, avec 2,5 millions de km
C'est pourquoi le Président de la République a initié, lors du One Planet Summit de janvier dernier entièrement dédié à la biodiversité, le plan d'action pour une Méditerranée exemplaire en 2030 – le PAMEx. Ce plan a été lancé en septembre, lors du Congrès mondial de la nature à Marseille, avec neuf pays du bassin méditerranéen : la France, l'Espagne, l'Italie, le Maroc, l'Algérie, Monaco, la Grèce, le Portugal et l'Égypte. Nous avons à nouveau une coalition qui s'engage à éliminer progressivement les plastiques à usage unique les plus nocifs pour l'environnement et à promouvoir des solutions durables de remplacement des produits plastiques.
Nous nous engageons également à renforcer la collecte et le recyclage des déchets plastiques, en finançant notamment de nouvelles usines de recyclage d'ici à 2030. Les volets des plans France relance et France 2030 permettront de financer les équipements et les aménagements nécessaires.
La lutte contre la pollution plastique est une priorité pour la France, à toutes les échelles. Dans les années à venir, protéger la planète passera par des efforts ambitieux dans la lutte contre ce fléau qui menace non seulement l'homme, mais toutes les espèces. Nous devons pour cela mobiliser les uns et les autres ; c'est essentiel et vous l'affirmez aujourd'hui en tant que parlementaires. Le Parlement s'honore à défendre cette proposition de résolution ; le Gouvernement le suit et le soutient totalement.