Intervention de Cécile Muschotti

Séance en hémicycle du lundi 29 novembre 2021 à 21h30
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Muschotti :

Le présent texte suit un parcours législatif unique : il aura fallu que trois groupes l'inscrivent successivement à l'ordre du jour pour que la navette parlementaire puisse se poursuivre. Gageons qu'une fois adoptée en deuxième lecture dans cet hémicycle, cette proposition de loi, après son vraisemblable rejet par le Sénat, fera l'objet d'une commission mixte paritaire convoquée par le Gouvernement pour qu'enfin son parcours puisse s'achever avant la suspension de nos travaux, le 28 février prochain.

Je veux ici remercier le président de mon groupe, Christophe Castaner, d'avoir proposé l'inscription de ce texte lors de cette semaine de l'Assemblée. Je connais son engagement pour que le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse soit respecté, conforté et étendu. Nous voyons ce droit affaibli au sein même de l'Union européenne, quand il n'est pas remis en cause. Comme tous les droits, l'IVG est fragile. Comme tous les droits, il doit être protégé.

Nous nous retrouvons pour examiner le texte adopté en commission le 10 février dernier, puisque le groupe Socialistes et apparentés l'avait finalement retiré de l'ordre du jour de sa niche parlementaire du 18 février. Le mur d'amendements déposés par le groupe LR en rendait, en effet, l'examen très improbable.

Ce mur d'amendements est aujourd'hui à peu près le même mais, cette fois-ci, nous le surmonterons sans problème. Ce qui est infranchissable lors des trois séances d'une même journée devient aisément contournable en une petite semaine. L'obstruction est toujours un aveu de faiblesse politique : dévoyer la procédure législative n'a pour objet que d'affaiblir la légitimité de la loi, donc celle de l'obstructeur, qui aspire tant à gouverner.

Si la loi n'est pas une maïeutique des mœurs, la norme qu'elle fixe se déduit de la réalité sociale. Et la réalité sociale de notre pays est la suivante : chaque année, des milliers de femmes sont contraintes de se rendre à l'étranger pour avoir recours à un avortement. L'allongement du délai de douze à quatorze semaines, qui vise à mieux garantir la prise en charge des femmes à un stade de leur grossesse encore précoce, ne pose toutefois pas de problème d'ordre éthique, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire. Le Comité consultatif national d'éthique l'indique dans son opinion du 8 décembre 2020 : « La réalisation des IVG comporte des risques qui sont faibles, augmentent avec l'âge gestationnel, mais diffèrent peu entre douze et quatorze semaines de grossesse. » L'allongement du délai de deux semaines, pour le porter de douze à quatorze semaines, ne pose aucune difficulté, ajoute le Comité.

Il est donc inutile, à ce stade, de s'étendre davantage sur la question.

La première lecture de ce texte, le 8 octobre 2020, a précédé l'expression publique du mal-être des sages-femmes et l'inquiétante crise des vocations. Mécontentes de leurs conditions de travail, multipliant depuis le début de l'année grèves et manifestations, les sages-femmes exigent la reconnaissance professionnelle de leurs mérites, alors que leur programme de formation est très lourd. L'accord conclu lundi dernier entre le Gouvernement et les syndicats hospitaliers était nécessaire. Il est particulièrement bienvenu : la réalité des tâches des sages-femmes doit enfin être reconnue et leur formation doit s'adapter en conséquence. Le métier des sages-femmes les confronte, dans les grandes maternités, aux accouchements difficiles, aux grossesses à risque et aux situations de détresse.

L'article 1er bis , introduit en commission dès la première lecture, étend la compétence des sages-femmes aux IVG chirurgicales, traduisant ainsi une des recommandations du rapport d'information sur l'accès à l'IVG que notre collègue Marie-Noëlle Battistel et moi-même avons rendu. Des amendements votés depuis l'examen du texte en première lecture ont permis d'insister sur la nécessaire prise en considération de la dimension médicale de la profession des sages-femmes, tant en matière de formation que de rémunération ou de statut. Nous devons accompagner ces professionnelles.

L'examen du texte permettra de revenir dans le détail sur l'ensemble des mesures proposées.

Dans un monde idéal, tel que certains l'ont théorisé – le rendant ainsi possible, malgré tout –, la somme des préjugés qui pèsent sur la vie des femmes serait faible, au point que l'éducation sexuelle s'enseignerait de façon générale et adaptée. La pleine disposition de son corps deviendrait un droit. La pratique contraceptive serait parfaitement et individuellement régulée. La liberté des femmes s'accomplirait mieux. Ce monde idéal n'est malheureusement pas le nôtre. C'est pourquoi il nous revient, en tant que législateurs, d'agir sur le réel et de faciliter, par la loi, l'émancipation des femmes.

Vous l'aurez compris, le groupe La République en marche, dans le respect des opinions de chacun, votera majoritairement en faveur de cette proposition de loi.

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