Faire ce choix suppose avant tout d'avoir accès à l'information. C'est là un préalable nécessaire et absolu : la femme doit d'abord savoir qu'elle est enceinte, mais aussi connaître les options à sa disposition et savoir que des lieux existent pour l'orienter et l'aider à assumer ses choix. Faire évoluer la loi pour donner plus de temps aux femmes pour faire ce choix, c'est prendre en considération le temps de réflexion qui peut leur être nécessaire.
Allonger ce délai, c'est aussi prendre acte du fait que les femmes n'ont pas, partout en France, le même accès à l'interruption volontaire de grossesse. Elles seraient entre 3 000 et 5 000 à se rendre à l'étranger pour se faire avorter en raison des délais légaux en vigueur en France – car au fond, c'est bien de cela qu'il s'agit : ce délai légal représente un jalon dans la vie des femmes et dans leur grossesse. Plus elles pourront avoir connaissance rapidement de leur état, plus leur capacité à décider sera grande. Mais pour que ce choix puisse se faire sereinement, plusieurs conditions sont nécessaires.
La première, évidemment, c'est de se connaître : connaître son corps, savoir comment il fonctionne, quelles sont ses réactions, savoir qu'une relation sexuelle peut mener à une grossesse. Notre priorité devrait donc être de mettre l'accent sur l'éducation au corps, notamment à l'école. Si cet enseignement existe déjà, nous devons aller plus loin : qu'il s'agisse de lutter contre les violences sexuelles ou d'anticiper l'arrivée d'un enfant, la connaissance du corps, notamment de son corps, est indispensable.
La deuxième condition, je l'évoquais, c'est que les femmes aient accès aux informations et aux professionnels de santé nécessaires. Je pense aux sages-femmes, bien évidemment, mais également aux gynécologues et aux médecins exerçant dans les centres de planification familiale. Le maillage de la France, en la matière, est en passe de se défaire, obérant l'accès à l'information, donc aux soins. Au-delà de l'allongement du délai de recours à l'IVG – dont nous allons débattre –, il est un autre combat que nous devons mener : permettre à davantage de professionnels formés de pratiquer des avortements. Je fais, bien sûr, référence à l'expérimentation défendue l'année dernière par le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, laquelle vise à permettre aux sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales plus tardivement. La proposition de loi entérine cette expérimentation. Toutefois, les enjeux liés à cette mesure doivent encore faire l'objet de discussions et d'arbitrages. Nous devons notamment réfléchir aux questions d'assurance, de formation et de rémunération. J'espère donc que les décrets d'application paraîtront rapidement après le vote, que je souhaite, de la présente proposition de loi.
Lorsque nous abordons la question de l'avortement, nous devons aussi entendre les préoccupations et les oppositions manifestées par certains professionnels. Nous devons admettre que le fait de pratiquer un avortement entre douze et quatorze semaines de grossesse peut être traumatique, pour la femme – car c'est toujours un drame, malgré ce que certains affirment –, mais également pour le gynécologue qui pratique cet acte. Sans les soupçonner de vouloir obstruer le débat parlementaire – qui fait écho, de manière peut-être amplifiée, au débat en cours dans la société – nous devons entendre ceux qui expriment leurs préoccupations, leurs croyances et leurs convictions.
Néanmoins, nous devons légiférer et décider. Parce que nous avons entre nos mains le pouvoir d'allonger le délai de recours à l'IVG et d'aider les femmes à choisir de mettre ou non un enfant au monde, mais aussi de placer des professionnels de santé dans des situations complexes, il nous faut peser chaque mot et entendre les arguments, pour peu qu'ils soient mesurés et respectueux – c'est un impératif démocratique. Nous partageons tous ce devoir.
Je sais que les débats seront contrastés et qu'il sera impossible de parvenir à un consensus sur les bancs de cet hémicycle – voire, parfois, au sein d'un même groupe. Dès lors, c'est notre responsabilité individuelle, notre conviction d'élus de la nation qui primera. Sur une telle question, les députés du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés s'exprimeront librement et voteront en leur âme et conscience.