Intervention de Valérie Six

Séance en hémicycle du lundi 29 novembre 2021 à 21h30
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Six :

C'est à l'initiative du groupe La République en marche que l'examen de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement est inscrit cette semaine à l'ordre du jour.

Chaque année, un nombre important de femmes sont contraintes de se rendre à l'étranger pour y subir une IVG car elles se trouvent hors délai en France. Le groupe UDI et indépendants est particulièrement préoccupé par la détresse dans laquelle se trouvent ces femmes.

Cependant, nous ne sommes pas convaincus que le report du délai légal de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines soit la solution. Nos collègues ont mené exactement les mêmes débats dans les années 2000 lorsqu'il s'agissait de reporter le délai légal de dix à douze semaines. Or force est de constater que cette mesure n'a pas permis de préserver ces femmes d'une IVG tardive.

Pour nous, le problème est davantage celui de l'accessibilité à l'IVG dans les territoires où l'on manque de praticiens, de structures hospitalières et où la prévention fait défaut. Comment expliquer que le taux de recours à l'IVG dans la région Pays-de-la-Loire ait été de 11,8 pour 1 000 femmes en 2019 alors qu'il s'élevait, la même année, à 22,9 en Provence-Alpes-Côte d'Azur et à 39 en Guyane ? Ces disparités territoriales révèlent bien les carences, dans certains territoires, qui conduisent des femmes à subir une IVG. C'est sur ces manques que nous devons concentrer nos politiques publiques.

La précarité des femmes est un autre élément prégnant dans l'accès à l'IVG. La DREES, dans un document récent, nous indique : « Pour la première fois, les données sur les IVG ont été appariées avec des données fiscales pour l'année 2016. Elles montrent une corrélation nette entre le niveau de vie et l'IVG ; les femmes les plus précaires y recourent sensiblement plus que les femmes les plus aisées. »

D'ailleurs, la prise en charge à 100 % de la contraception pour les jeunes filles de 15 à 18 ans a permis de diminuer le taux de recours à l'IVG, passant de 9,5 pour 1 000 en 2012 à 6 pour 1 000 en 2018. C'est par conséquent sur cette corrélation entre précarité et recours à l'IVG qu'il nous faut davantage travailler. Le Gouvernement s'y est d'ailleurs attelé en étendant la prise en charge de la contraception pour les femmes jusqu'à 25 ans dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Simone Veil, dans son intervention, à la tribune de l'Assemblée nationale, pour l'instauration de l'IVG, avait eu les mots justes et su conserver un équilibre indispensable : « Je le dis avec toute ma conviction : l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu'il perde ce caractère d'exception, sans que la société paraisse l'encourager ? »

Par ailleurs, nous sommes profondément opposés à la suppression de la double clause de conscience – une des conditions d'une situation équilibrée en matière d'avortement dans notre société. D'une part, vous laisseriez la possibilité de revenir sur la clause de conscience par un simple décret. D'autre part, cette suppression est contraire à la Constitution car le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2001, a consacré cette clause comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Enfin, nous sommes totalement opposés à la création d'un répertoire national recensant le nom des médecins pratiquant une IVG car une telle publication permettrait, a contrario, de déterminer le nom de ceux qui ne la pratiquent pas. Elle reviendrait à remettre en cause, en pratique, la liberté de conscience. Une telle liste ne devrait être accessible qu'à un médecin afin qu'il facilite l'orientation d'une femme vers un confrère qui pratique l'avortement dans des délais raccourcis.

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