Intervention de Thibault Bazin

Séance en hémicycle du mardi 30 novembre 2021 à 21h30
Renforcement du droit à l'avortement — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

L'article 2 est très grave. Vous voulez supprimer la clause de conscience spécifique à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). C'est un bouleversement de l'équilibre de la loi défendue par Simone Veil.

En 2007, à l'occasion d'un reportage sur l'avortement à hauts risques en Espagne, elle nous alertait pourtant : « [L'avortement] est une question éthique et pas seulement un geste médical. […] Ne pas contraindre les médecins […] est un point à maintenir, car on ne peut obliger personne à aller contre ses convictions. »

Vous affirmez que cette clause spécifique de conscience serait superflue. Cet argument est fallacieux pour plusieurs raisons.

Premièrement, la clause générale existait avant la loi de 1975 sur l'avortement. Si le législateur a cru bon d'introduire une clause spécifique lors des débats sur la loi Veil, c'est bien qu'il fallait prendre en compte la portée de l'acte en cause.

Deuxièmement, la clause générale du médecin est de portée plus restreinte. Celle-ci commence par énoncer le principe suivant : « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. » Ce principe limite le pouvoir d'appréciation du médecin dans au moins deux circonstances citées dans le texte, « le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité. »

Ce cadre juridique est de fait plus restrictif et plus contraignant pour le médecin que l'affirmation solennelle selon laquelle un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse.

Troisièmement, comme M. le ministre des solidarités et de la santé l'a reconnu, la clause générale n'est pas de nature législative mais réglementaire. La différence est fondamentale : une loi garantit les libertés bien mieux qu'un décret ministériel ; une loi ne peut être modifiée que par une autre loi votée par le Parlement, après des débats, des amendements, des votes, une censure possible du Conseil constitutionnel. Si on supprime cette clause de conscience de nature législative, il ne restera plus que celle de nature réglementaire, qui est beaucoup moins protectrice.

Quatrièmement, la clause générale n'existe pas pour tous les autres personnels soignants. Certes, une clause générale similaire à celle du médecin existe pour les sages-femmes et pour les infirmiers, mais ces clauses générales de nature réglementaire comportent les mêmes limites et les mêmes conditions que celle du médecin. En outre, d'autres professions pourraient être amenées à participer de près ou de loin à la réalisation d'une IVG, comme celle d'aide-soignant. Or la clause spécifique à l'IVG dispose clairement qu'aucune sage-femme, aucun infirmier ni aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse. Il s'agit d'un droit fondamental des soignants, qui sont tenus d'agir en responsabilité et de manière éclairée.

C'est pourquoi cet amendement vise à supprimer l'article 2 et donc à maintenir la clause de conscience spécifique, compte tenu de la portée de l'acte, surtout entre douze et quatorze semaines. Reconnaissons, mes chers collègues, la liberté de conscience comme un principe fondamental de la République !

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