Pas moins de 700 000 : c'est le nombre d'enfants victimes, chaque année, de harcèlement scolaire. Ce sont autant d'enfants qui perdent confiance en eux, en leurs camarades, qui perdent confiance dans l'institution scolaire et au bout du compte, dans la société. Cela se traduit souvent par un décrochage scolaire mais aussi social. Nous ne pouvons pas tolérer que ces enfants restent à l'écart de la République parce qu'ils ont été harcelés par un camarade ou par un adulte au sein de l'école.
Certes, le phénomène n'est pas nouveau, mais il est aujourd'hui nettement aggravé par le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui offrent de nouvelles occasions et de nouveaux moyens de harceler. Les réseaux sociaux et les groupes de messagerie démultiplient la capacité des agresseurs à atteindre leurs victimes. Les effets de groupe, qui peuvent constituer un ressort puissant du harcèlement scolaire, sont également amplifiés par les modalités particulières du cyberharcèlement. Avec les réseaux sociaux, le harcèlement n'a plus de limite de temps ni de lieu. Il ne laisse plus aucun répit à nos enfants.
Le phénomène est encore plus manifeste avec la crise sanitaire et le recours accru aux outils numériques comme moyen de communication entre jeunes ou instrument de la continuité des enseignements. Plusieurs rapports récents, dont celui que j'ai remis au Gouvernement en octobre 2020, celui de la mission d'information du Sénat sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, ou encore celui de la Défenseure des droits, appellent à une meilleure prise en compte du harcèlement scolaire dans les politiques publiques.
La loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a donné pour la première fois une expression législative à la prise de conscience suscitée par le harcèlement scolaire. Ainsi, l'article L. 511-3-1 du code de l'éducation dispose désormais : « Aucun élève ne doit subir, de la part d'autres élèves, des faits de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions d'apprentissage susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale. »
Mais l'action des pouvoirs publics contre le harcèlement scolaire ne se limite pas à l'adoption de lois. Elle se déploie avant tout par le travail quotidien des nombreuses parties prenantes, au plus près des victimes, témoins et auteurs de ces agissements. Les actions engagées au cours de la dernière décennie ont été amplifiées et généralisées depuis quatre ans et je vous en remercie, monsieur le ministre de l'éducation.
Pour compléter et pérenniser les instruments de cette lutte, il est indispensable d'en inscrire les principaux objectifs et les modalités dans la loi. Nous devons faire notre part, prendre notre responsabilité de législateur et définir le cadre légal donnant aux pouvoirs publics les moyens d'agir. Ce texte n'est pas, comme je l'ai entendu sur les bancs socialistes, une loi d'émotion ; il est le fruit d'un long travail d'analyse juridique et d'un choix politique assumé. Nous devons assurer une meilleure prévention des situations qui portent atteinte à la confiance des enfants et des jeunes en eux-mêmes, envers l'institution scolaire et universitaire et finalement envers la société entière.
C'est pourquoi la présente proposition de loi vise en premier lieu à doter l'ensemble de la communauté éducative, élèves, enseignants, personnels d'encadrement, assistants sociaux, infirmiers, psychologues et médecins scolaires, parents d'élèves, les moyens de prévenir plus efficacement les situations de harcèlement scolaire.
L'article 1er a ainsi une double portée, symbolique et juridique, particulièrement forte. Il fait d'abord du droit à une scolarité sans harcèlement une composante du droit à l'éducation et l'étend à l'enseignement privé et à l'enseignement supérieur. Plus encore, il crée une obligation de moyens à la charge des établissements d'enseignement. Ces derniers devront prendre toutes les mesures appropriées afin de lutter contre le harcèlement moral dans le cadre scolaire et universitaire. Ces dispositions accompagneront ainsi le déploiement dans nos écoles du programme de lutte contre le harcèlement à l'école – le programme PHARE –, généralisé depuis la rentrée 2021 et qui rencontre un indéniable succès.
Des précisions relatives au contenu de ces mesures ont été introduites lors de l'examen du texte par la commission des affaires culturelles. Il est ainsi précisé qu'elles viseront « à prévenir l'apparition de situations de harcèlement scolaire, à favoriser leur détection par la communauté éducative afin d'y apporter une réponse rapide et à orienter les victimes et les auteurs […] vers les services appropriés. » Cette formulation délibérément large permet d'inclure à la fois les services de santé, les forces de l'ordre, la justice ou encore des associations spécialisées.
En commission, l'article 2 s'est enrichi d'un nouvel alinéa destiné à rendre effectif, au sein des établissements sans contrat d'association avec l'État, le droit à une scolarité sans harcèlement. Rien ne justifie en effet qu'une telle protection ne bénéficie pas à tous les enfants de la République.
L'article 3 permettra aux établissements de mieux prévenir, détecter et traiter les situations de harcèlement scolaire. La formalisation de la réponse de l'établissement, qui associera médecins, infirmiers, assistants sociaux et psychologues intervenant dans les établissements, paraît en effet indispensable. Leur harmonisation au niveau national est également nécessaire pour gagner en efficacité et généraliser les initiatives heureuses qui, ici et là, ont montré leur intérêt.
L'article 3 permettra en outre d'améliorer la prise en charge des victimes et des auteurs de harcèlement, en garantissant une formation adéquate à l'ensemble des professionnels qui peuvent être amenés à rencontrer ce type de situation : les personnels de l'éducation nationale, comme les personnels d'animation sportive, culturelle et de loisirs, qui sont en première ligne dans ce combat contre le harcèlement, mais aussi, plus largement, l'ensemble du corps médical et paramédical, les assistants sociaux, les magistrats et les forces de l'ordre. Tous peuvent être amenés à intervenir, à des degrés divers, dans le traitement des situations de harcèlement scolaire. À l'issue de l'échange que nous avons eu en commission, je proposerai d'étendre la formation continue à tous les professionnels intervenant au sein des établissements d'enseignement, pour toucher les personnels des collectivités mais aussi de l'enseignement supérieur.
Par ailleurs, l'article 3 prévoit désormais qu'une information relative aux risques liés au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement soit fournie aux parents d'élèves. Il s'agit de responsabiliser les parents pour ce qui concerne le rapport de leur enfant au numérique. En ce sens, la proposition de loi n° 4646 du président de la commission Bruno Studer, visant à faciliter le recours au contrôle parental, est parfaitement complémentaire de l'action que nous souhaitons entreprendre au travers de la présente proposition de loi.
Prenant acte de l'évolution des formes de harcèlement à l'ère du numérique, la proposition de loi tend, par son article 7, à renforcer les obligations imposées aux acteurs de l'internet. Ses dispositions ciblent en particulier les réseaux sociaux : elles visent à obliger les plateformes les plus prisées des jeunes à lutter contre les situations de harcèlement scolaire en permettant leur signalement par les utilisateurs et en les portant à la connaissance des pouvoirs publics ,