Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mercredi 1er décembre 2021 à 15h00
Combattre le harcèlement scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Nous avons enfin les mots pour décrire ce que nous avons longtemps cherché à dénoncer sans pouvoir l'éviter : les moqueries répétées, les brimades injustifiées, les violences physiques. C'est le harcèlement scolaire. Le caractère répété et généralisé de ce phénomène ne doit pas justifier sa banalisation. Le harcèlement scolaire n'est pas anodin, il n'est pas une petite violence sans conséquence. On ne peut accepter que des milliers d'élèves se rendent à l'école la peur au ventre, que les victimes n'aient comme seule porte de sortie la déscolarisation, que des milliers d'élèves soient durablement traumatisés au point que certains ne puissent plus supporter de vivre.

Avec cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, vous poursuivez un travail engagé lors de votre mission parlementaire, et vous nous donnez l'occasion d'aborder ce phénomène, un phénomène insidieux, comme toutes les formes de harcèlement, car il place la victime dans une position d'isolement et d'extrême fragilité qui l'empêche de se sortir de ce cycle infernal de violences.

Définir le harcèlement scolaire, en comprendre les ressorts pour mieux l'identifier et le combattre est évidemment le préalable à toute action. Celle que propose le présent texte à l'issue de la commission est intéressante dans la mesure où elle cible également les étudiants et les personnes majeures, qui peuvent être concernés en tant que victimes comme en tant que bourreaux.

Par ailleurs, consacrer un droit à la protection contre le harcèlement scolaire dans le code de l'éducation relève du symbole mais n'en demeure pas moins nécessaire, d'autant plus qu'il est étendu aux établissements privés. Néanmoins, ce droit à la protection demeurera un vœu pieux s'il n'est pas assorti d'obligations contraignantes et surtout de moyens à destination des établissements.

Nous le redisons, la lutte contre le harcèlement scolaire doit en priorité passer par la prévention. Cela impose de mieux armer les établissements scolaires pour prévenir, détecter, signaler et mettre fin à ces comportements. Cela implique de créer les conditions favorisant l'écoute et le recueil de la parole de l'élève harcelé. Trop souvent, malheureusement, la communauté éducative n'a pas les outils ou les moyens pour comprendre et combattre ce harcèlement, ce qui aggrave parfois des situations déjà difficiles.

La sensibilisation et la formation sont donc les deux principaux leviers sur lesquels il nous faut impérativement agir. La proposition de loi est ambitieuse sur ces questions, mais encore faut-il se donner les moyens d'investir dans cette direction. Or, la situation de la médecine scolaire, et notamment des psychologues, n'est pas pour rassurer quant à la capacité des établissements à jouer leur rôle d'écoute, de prévention et d'accompagnement. Monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous nous préciser la manière dont cette proposition de loi s'articulera avec le programme PHARE généralisé depuis la rentrée ?

Le harcèlement scolaire se prolonge désormais au-delà de l'école, sur internet, par l'intermédiaire des réseaux sociaux. Ces derniers représentent une immense caisse de résonance pour les actes d'intimidation et de violence. Nous regrettons que la proposition de loi ne comporte qu'un article à ce sujet, relatif à la modération des contenus, alors même qu'il nous semble être un axe majeur sur lequel agir. Ce texte ne permet pas de voir comment les plateformes pourraient être contraintes à faire davantage en la matière.

Il faut enfin rompre avec la croyance selon laquelle l'élève victime porterait en lui la source et l'explication de son harcèlement. C'est pourquoi il importait de ne pas inscrire dans la loi la liste de ses causes. Ce serait prendre le problème à l'envers et méconnaître les différentes formes qu'il peut prendre. Il faut répéter sans cesse que la raison du harcèlement trouve son origine chez l'auteur, dans la dépersonnalisation et le sentiment d'impunité et de toute puissance que confèrent les effets de groupes ; jamais la raison du harcèlement ne se trouve chez la victime. C'est ce qui justifie la création d'un délit spécifique de harcèlement scolaire.

Cela étant, attention à ne pas s'attacher seulement aux sanctions pénales individuelles. Celles-ci devraient être avant tout éducatives, et réellement appliquées, même si certaines sanctions pénales auraient l'avantage de préciser les responsabilités et auraient certainement valeur préventive. En d'autres termes, il convient de doser l'intensité du dispositif dissuasif, d'autant que les auteurs de harcèlement sont, dans l'immense majorité, des mineurs.

En toute hypothèse, le groupe Libertés et territoires salue l'objectif de cette proposition de loi en rappelant la priorité qui doit toujours être la nôtre : la prévention, la sensibilisation et l'accompagnement à long terme des élèves victimes. .

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