Nous avons beaucoup évoqué les chiffres et les définitions, cet après-midi. Je souhaiterais plutôt vous parler du mal-être et de la détresse d'une grande partie de nos enfants harcelés ou harceleurs. Il y a eu Marion, Thybault, Marie, Matteo ; Evaëlle et Alisha dans le Val-d'Oise ; Dinah, il y a quelques semaines ; Chanel, il y a quelques jours. Tous avaient moins de 15 ans. Ces noms sont là pour nous rappeler que le harcèlement scolaire mène parfois à des tragédies terribles. Je pourrai aussi vous parler de celui que je nommerai Louis, qui entame une longue reconstruction du haut de ses 15 ans après une tentative de suicide.
Cela commence par presque rien, des chamailleries, des histoires d'enfants comme ils disent. Puis viennent les brimades, les humiliations à répétition, souvent dans un silence collectif. Des actes qui mènent au pire, notamment à cause des phénomènes de meutes.
C'est une réalité complexe à laquelle les établissements scolaires ne peuvent se confronter seuls, pas plus que les parents, souvent démunis. Ce n'est pas un tabou. C'est toute notre société qui doit prendre conscience de l'ampleur du phénomène.
Par ce texte que tous les membres des groupes de la majorité présidentielle ont signé, nous consacrons un interdit dans la loi. La lutte contre le fléau que constitue le harcèlement scolaire doit nous réunir au-delà des étiquettes politiques et c'est ce qui est fait. Ce texte, plus qu'il ne fixe des normes, appelle à une prise de conscience collective.
L'école est un lieu d'apprentissage et de socialisation qui ne saurait se transformer en lieu de souffrance. Nos enfants doivent pouvoir aller à l'école sans avoir la peur au ventre. Nos enfants doivent pouvoir rentrer à la maison et se sentir en sécurité chez eux, sans se sentir traqués et piégés dans leur propre chambre. C'est une nouvelle étape dans la lutte contre le harcèlement scolaire et les violences à l'école que nous devons franchir.
Le Président de la République a fait une intervention forte lors de la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l'école, le 18 novembre dernier : il a annoncé la création de l'application 3018 et le renforcement des maisons des adolescents et des points d'accueil écoute jeunes.
Nous nous inscrivons dans le combat mené depuis 2017 par le Gouvernement et notre majorité, notamment avec la généralisation du programme PHARE. Avec cette proposition de loi, c'est un double objectif que nous visons. D'une part, son volet préventif tend à élargir le droit à une scolarité sans harcèlement et à améliorer la prévention, la détection des cas et la prise en charge des victimes. D'autre part, elle vise à consacrer un volet pénal destiné à améliorer le traitement judiciaire des faits de harcèlement scolaire, notamment par la création d'un délit autonome. Car, oui, il faut que les harceleurs comprennent que leurs actes sont punis par la loi !
Le travail en commission nous a permis d'aboutir à un texte qui fixe les lignes directrices de la lutte contre le harcèlement scolaire. Chacun aura compris ici que nous ne pouvons pas tout mettre dans la loi. Nous sommes parvenus à une définition claire des faits caractérisant le harcèlement scolaire qui couvrira l'ensemble des situations. Quant au délit de harcèlement scolaire que nous créons, il sera suffisamment opérant pour améliorer le traitement judiciaire.
Ce texte devra se traduire efficacement sur le terrain, surtout dans les établissements scolaires. Chacun de nous devra réunir les acteurs professionnels pour qu'ils puissent travailler tous ensemble : les personnels médicaux et paramédicaux, les magistrats, les forces de l'ordre, les personnels de l'éducation nationale et les personnels d'animation sportive, culturelle et des loisirs. Je n'oublie évidemment pas ceux qui ont un rôle essentiel à jouer : les parents et les associations.
Tous ces acteurs, nous les prenons en compte dans ce texte, soit pour leur permettre d'être davantage formés, soit pour les associer à la lutte, avec leur expertise propre. Oui, ils doivent être mobilisés et trouver le contrat qui leur permettra d'agir ensemble sur leur territoire.
En d'autres termes, cette proposition de loi n'a pas vocation à dire dans le moindre détail comment les acteurs doivent s'y prendre, au risque de leur ôter toute initiative. Néanmoins, elle nous donne l'occasion de discuter des mesures à prendre s'agissant de l'accès aux réseaux sociaux de nos enfants, des conditions dans lesquelles il se fait, voire de son interdiction dans certains cas bien spécifiques. Nous posons une première pierre à l'édifice en proposant de confisquer les téléphones ou tout autre moyen ayant conduit à du cyberharcèlement.
À toutes les associations comme Marion la main tendue, HUGO ! ou e-Enfance, qui font un travail considérable sur le terrain pour venir en aide aux victimes, former, sensibiliser, faire de la prévention et combattre ce qui n'est pas une fatalité, je dis merci. Et je tiens à assurer tous les enfants que nous serons là pour veiller à ce que nos combats d'aujourd'hui et de demain ne soient pas vains.