Deux éléments manquent à la proposition de loi, à commencer par un assouplissement de la carte scolaire. Un élève harcelé doit pouvoir être scolarisé dans l'établissement que choisit sa famille. Il doit être protégé. Un élève harcelé doit pouvoir continuer à apprendre, à s'éveiller, à s'épanouir et à grandir ; mais s'il reste entouré par ses harceleurs et par ceux qui n'ont rien fait ou rien dit, la tâche sera impossible. Un élève harcelé doit se sentir protégé par ses parents et par l'institution : cette dernière doit autoriser son départ, faciliter exceptionnellement des dérogations à la carte scolaire, et, cela va de soi, autoriser l'instruction en famille. Vous n'empêcherez aucun père ni aucune mère, soucieux du bien-être de son enfant, de le retirer d'un environnement qui l'abîme, pour le protéger – y compris pour le protéger de l'école, si c'est là qu'interviennent les égratignures. Il n'est pas concevable que seule l'institution scolaire décide du lieu où un enfant victime de harcèlement doit être scolarisé.
Il n'est pas non plus concevable que seule l'institution scolaire statue sur l'existence d'un harcèlement car, vous le savez fort bien, toute institution est animée par une solidarité de corps : c'est la deuxième carence du texte. En pratique, les enfants qui se plaignent – surtout s'ils le font fréquemment – sont parfois renvoyés gentiment, sans arrière-pensée, au pays de leur solitude. C'est alors trop tard : l'enfant sait qu'à l'école, sa souffrance n'est ni comprise, ni entendue. Parfois, il n'est écouté que par un proche, un ami, un psychologue, des voisins, ses parents ou un médecin traitant auquel il parle en confiance. À la question : « Pourquoi ne manges-tu plus à l'école ? », il lui répondra : « Parce qu'on me traite de gros », entre autres exemples. Voilà pourquoi le médecin traitant ou une personne extérieure à l'institution scolaire doit pouvoir statuer sur l'existence d'un harcèlement.