Vous avez raison : il existe déjà une formation dédiée à la protection de l'enfance en danger, qui s'adresse à une partie des professionnels du secteur concerné. La formation relative au harcèlement scolaire, elle, est très spécifique. Les adultes travaillant en lien avec des enfants doivent avoir la capacité de comprendre le phénomène en question dans sa diversité et dans sa complexité. L'objectif, en réalité, c'est qu'ils soient en mesure de libérer la parole de l'enfant. L'existence de ces formations spécifiques est donc nécessaire.
L'article 3 de la proposition de loi, dont la rédaction actuelle est issue des travaux de la commission, voit beaucoup plus large : il concerne l'ensemble des personnels de l'éducation nationale. Vous souhaitez modifier l'article L. 542-1 du code de l'éducation, mais il ne vise quant à lui que les enseignants. En travaillant pendant deux ans sur la question du harcèlement scolaire, j'ai rencontré et consulté non seulement tous les acteurs concernés, les associations, mais aussi les victimes elles-mêmes, dont certaines sont venues me voir de leur propre chef : ils me disent tous qu'il est essentiel de pouvoir s'adresser à n'importe quel adulte présent au sein de l'établissement.
Certains enfants refuseront d'évoquer leur situation auprès d'un enseignant, non pas parce qu'ils ne lui font pas confiance mais du fait qu'il représente l'autorité à l'intérieur de la classe. Il peut arriver qu'ils ne se sentent pas à l'aise ; ils doivent donc pouvoir s'adresser à quelqu'un d'autre, que ce soit d'autres personnels éducatifs présents sur place ou, pourquoi pas, quelqu'un qui serait spécifiquement formé en la matière – c'est bien l'objectif du programme PHARE que de former le plus grand nombre possible de personnes à être capables d'écouter et de traiter la parole des enfants. L'enfant qui en éprouverait le besoin pourrait ainsi aller voir cette personne pour lui faire part de son problème, et celle-ci pourrait conduire un entretien avec lui.
C'est cela qu'il faut développer parmi le cortège des gens qui interviennent auprès des enfants : tous doivent être, dans la mesure du possible, capables de recueillir leur parole. Évidemment, tous n'auront pas reçu la formation la plus pointue dans ce domaine, mais si le harcèlement devient un sujet central, un des sujets principaux des discussions entre collègues, la compétence requise se diffusera au sein du collectif. C'est ainsi, à mon avis, que nous parviendrons à lutter contre le harcèlement scolaire.