Intervention de Isabelle Valentin

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 9h00
Pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Valentin :

La santé est un sujet majeur, et l'accès aux soins un droit pour tous. Et pourtant ! Il y a une quarantaine d'années, apparaissait en France un phénomène de désertification médicale, qui n'a cessé, depuis lors, de s'intensifier et de toucher de plus en plus de territoires. La situation actuelle est le résultat d'une tendance de fond. Les médecins de campagne ne trouvent plus de remplaçants, ce qui est particulièrement grave, puisque le besoin augmente, en raison du vieillissement de la population.

Plusieurs raisons expliquent cette désertification, parmi lesquelles la féminisation de la profession, qui a induit une augmentation de la pratique à mi-temps, ce que n'a pas anticipé le numerus clausus. La médecine généraliste a parallèlement perdu de son attrait pour les étudiants, qui s'orientent de plus en plus vers des spécialisations : aujourd'hui, la médecine générale fait partie des dernières spécialités choisies.

Une étude d'octobre 2020 de l'observatoire Place de la santé de la Mutualité française dresse un constat alarmant, révélant que les déserts médicaux se sont multipliés ces dernières années et qu'ils ne cessent de croître.

La désertification médicale est l'un des soucis majeurs de nos élus locaux. Tous se battent pour trouver des solutions, bien souvent accompagnés par les départements et les régions : maisons de santé, médecins salariés, bus itinérants : à chacun sa méthode. Aujourd'hui, plus que jamais, nous faisons face à une urgence sanitaire de grande ampleur, et nous en sommes tous conscients, d'autant plus que le covid-19 a mis en exergue, une fois de plus, toutes les difficultés auxquelles est confronté notre système de santé.

C'est un sujet dont la commission des affaires sociales s'est emparée depuis 2017. Tous groupes politiques confondus, nous nous accordons sur le même constat. Certes, la présente proposition de loi, présentée par nos collègues du groupe GDR, a le mérite de soulever à nouveau l'ensemble des problématiques liées à cette question de santé publique.

Elle nous donne l'occasion de nous exprimer et de rappeler la détresse de nombreux Français, dans l'impossibilité d'accéder aux soins élémentaires et renonçant de ce fait à un suivi médical régulier, sans parler des nombreuses femmes ayant difficilement accès à une sage-femme ou à une maternité, ou des services d'urgence de nuit qui ferment.

Je partage donc, sur le fond, le diagnostic de nos collègues. Cependant, la méthode choisie, si elle peut paraître séduisante, me semble inappropriée, même si vouloir mettre à disposition des territoires de nouveaux outils leur permettant de lutter contre la désertification médicale est une ambition louable.

Ainsi la territorialisation des capacités d'accueil des formations en médecine, l'obligation du contrat d'engagement de service public, l'instauration d'un conventionnement sélectif à l'installation risquent-elles de créer un catalogue de contraintes administratives difficilement opérationnelles et qui, à l'usage, pourraient, malheureusement, se révéler contre-productives.

Premièrement, en ce qui concerne la territorialisation des capacités d'accueil des formations en médecine, la réalité matérielle et humaine nous rappellera vite à l'ordre, qu'il s'agisse du manque de professeurs, de locaux, voire de tuteurs.

Que penser ensuite de l'obligation de contrat d'engagement de service public ? En effet, après de longues années d'études et beaucoup de sacrifices, les jeunes médecins souhaitent désormais avoir le choix du lieu de leur installation, ils souhaitent pouvoir concilier vie privée et vie professionnelle, comme tous les citoyens, et leur imposer cette obligation aurait l'effet inverse à celui que vous escomptez en diminuant encore le nombre d'entre eux qui s'orientent vers la médecine libérale.

On ne peut pas non plus arguer du fait que les étudiants devraient à l'État quelques années de leur carrière, au motif que ce dernier leur a permis d'effectuer leurs études : c'est le cas pour la plupart des cursus universitaires. Rappelons également que les étudiants en médecine sont certes payés à partir d'un certain niveau, mais à moindre coût. Pourtant, sans nos internes, les hôpitaux ne fonctionneraient pas.

Enfin, l'élargissement de l'activité des hôpitaux de proximité ne doit pouvoir se faire qu'à titre dérogatoire, sur autorisation délivrée par le directeur de l'ARS, et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ; en aucun cas, elle ne doit devenir systématique.

Toutes ces nouvelles contraintes pourraient effrayer les médecins généralistes et constituer un frein à leur installation en cabinet. Nous considérons que faciliter les conditions d'accès aux études de médecine et améliorer l'attractivité de la profession, en se recentrant sur la médecine de ville, c'est-à-dire de proximité immédiate, constituerait un ensemble de mesures plus efficaces.

Si le groupe Les Républicains est donc d'accord sur le fond de la proposition de loi, il n'en accepte pas la forme et votera donc contre son adoption.

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