La santé fait partie des principales préoccupations de nos concitoyens et la question de l'accès aux soins en est l'un des éléments essentiels. La proposition de loi apparaît donc d'une grande actualité.
De nombreux rapports, études et propositions ont été faits depuis plus de dix ans dans ce domaine. Des mesures ont été prises, souvent incitatives, parfois contraignantes. Toutefois, jusqu'ici, peu de choses ont eu un effet concret pour toutes celles et tous ceux qui n'ont pas accès à un médecin généraliste, qui ne disposent pas d'un médecin traitant, ou pour qui la question se posera dans le futur.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui vise, au travers de quelques articles, à bâtir un cadre cohérent pour l'installation des médecins en fonction des besoins de santé.
L'article 1er tend à ce que les capacités d'accueil des formations en deuxième et troisième années du premier cycle garantissent une « répartition optimale des futurs professionnels de santé sur le territoire au regard des besoins de santé ». L'abolition du numerus clausus au profit du numerus apertus ne signifiant pas que le nombre d'étudiants formés sera illimité, ceux-ci devraient être répartis en fonction des besoins.
Si cet article ne porte que sur les capacités de formation, il n'en demeure pas moins que la formation au lit du patient suppose des moyens hospitaliers, des médecins déjà formés, des soignants travaillant de manière collective, ainsi que des médecins généralistes et des spécialistes de ville prêts à accueillir leurs jeunes confrères et consœurs et à les motiver. Cela doit faire l'objet de réflexions et d'une mobilisation de tous les acteurs pour que l'article soit opérant et qu'il parvienne à mettre en adéquation, comme il entend le faire, les contraintes du cadre de formation avec les besoins d'une population dont les conditions d'accès à un médecin sont de moins en moins égales suivant le lieu de vie.
L'article 2 tend à rendre obligatoire la signature d'un contrat d'engagement de service public par les étudiants en médecine et, s'il maintient le versement d'une allocation, il pose le principe d'une obligation de service dans les zones où l'offre de soins n'est pas considérée comme raisonnable et normale.
À cet égard, le texte prend insuffisamment en compte la situation actuelle des internes, ce qui constitue un angle mort. Est-il besoin de rappeler que les jeunes médecins, après six ou sept années d'études, doivent accomplir leur internat dans un centre hospitalier, et ce, pendant trois à cinq ans en fonction des spécialités choisies ? Leur présence hebdomadaire varie de soixante à cent heures, pour un salaire de 1 500 euros mensuels. Nous devons donc avoir conscience qu'une part substantielle de l'activité de soins des établissements de santé est effectuée avec et par les internes. Nos centres hospitaliers fonctionnent – tournent – grâce à des médecins payés comme des stagiaires et ne pas y faire référence, ne pas traiter de cette question ici, revient à faire comme si les actuels étudiants, pour leur grande majorité, choisissaient la facilité en s'installant, alors même qu'ils ont déjà largement contribué à l'accueil médical et dispensé des soins techniques au bénéfice de nos concitoyens – cet élément est important.
S'agissant de l'article 3, il vise à instaurer un conventionnement sélectif pour les médecins généralistes et spécialistes, aux termes duquel, en zone surdense, un médecin libéral ne sera conventionné que s'il en remplace un autre. Cela créerait une rupture avec le système existant, appelée de leurs vœux par certaines institutions de contrôle et de conseil. Un tel mécanisme reviendrait ainsi à flécher l'installation des médecins vers les zones sous-dotées.
Si ces dispositions sont pertinentes dans leur principe, nous ne pouvons néanmoins, une fois encore, faire l'économie d'une réflexion sur l'installation et la pratique des professionnels médicaux. Nous ne pouvons en effet occulter le risque réel d'installations non conventionnées, sachant que le nombre de médecins ne fait pas tout : pour certaines spécialités, la prescription et la réalisation d'actes non pris en charge, ou peu pris en charge, par la sécurité sociale constitue une part importante de l'activité.
L'article 4, quant à lui, créerait un cadre contractuel commun de financement des centres de santé par les ARS.
Enfin, les articles 5 et 6 posent des jalons dans la définition de l'offre hospitalière, en fixant une durée de transport maximale pour l'accès aux soins, et dans la constitution d'objectifs s'agissant de l'offre de soins spécialisés.
Ce texte a le mérite, qu'il convient de souligner, de proposer plusieurs mesures visant à créer un cadre de référence : il constitue une invitation à avancer. Je l'ai dit, il conviendrait de l'accompagner de dispositions destinées à assurer la qualité de la formation et une diversification de l'accueil en leur sein et grâce à elle, d'une meilleure reconnaissance du travail des internes et de leur investissement, d'une réflexion sur les soins et actes à réaliser en priorité afin d'améliorer la santé de nos concitoyens, et de propositions alternatives sur l'installation des médecins et leurs conditions d'exercice.
Eu égard à la convergence des dispositions qu'elle contient avec certaines des mesures que nous préconisons, le groupe Socialistes et apparentés apportera son soutien à cette proposition de loi, même si, je le répète, il conviendrait d'aller plus loin.