La désertification médicale concernerait aujourd'hui entre 6 et 8 millions de personnes. Les Français sont inquiets pour leur santé et celle de leurs proches : préoccupés par le creusement des inégalités territoriales et sociales dans l'accès aux soins, ils nous rapportent leur désarroi face à une pénurie de médecins en constante aggravation. De fait, les délais pour obtenir un rendez-vous s'allongent. Alors que près de 9 % des assurés de plus de 16 ans n'ont pas de médecin traitant, l'accès aux spécialistes est encore plus disparate, avec un rapport de un à huit, voire de un à vingt-quatre pour les pédiatres.
Face à cette détérioration de l'offre et compte tenu du vieillissement de la population, les demandes en soins apparaissent colossales et ne le seront que davantage demain : nous nous devons d'anticiper ces besoins.
C'est après la visite de plus de 150 hôpitaux et EHPAD que M. Jumel, rapporteur de la proposition de loi au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, a tenté d'apporter des solutions aux préoccupations des Français, sur lesquelles nous sommes tous les jours interpellés. Son très riche rapport ajoute des éléments précis et sourcés sur la désertification médicale, éléments tout à fait essentiels à la réflexion sociétale que nous devons entamer sur cette question.
Phénomène très occidental, la désertification médicale questionne notre rapport aux autres et à la vieillesse, ainsi que nos modes de vie. Le système de santé doit être réfléchi en cohérence avec l'évolution de notre société.
Avec le plan de 2017 pour l'égal accès aux soins dans les territoires, et surtout avec la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, des pistes ont été explorées, telles que la suppression du numerus clausus au profit d'un numerus apertus, l'exercice coordonné, ou encore le stage obligatoire en ambulatoire pour les étudiants en médecine – autant de solutions dont nous ne pouvons encore analyser les effets.
Par ailleurs, le déploiement des infirmiers en pratique avancée renforce la médecine généraliste, grâce à une collaboration étroite avec les médecins. De la même manière, la création et l'aide à l'installation de 4 000 assistants médicaux contribuent au soutien de l'exercice libéral, dégageant les médecins de tâches administratives et de gestes non médicaux chronophages.
Nous savons néanmoins que de nombreux défis se dressent encore devant nous pour permettre aux Français de bénéficier d'un meilleur suivi médical. Cela étant, si le groupe Agir ensemble partage l'ambition de cette proposition de loi, nous n'adhérons pas à l'ensemble des solutions qu'elle contient.
Nous ne sommes pas favorables à la suppression, prévue à l'article 1er , de la prise en compte des capacités de formation dans les objectifs pluriannuels d'admission : il y va de la qualité de la formation et de l'accueil des étudiants en santé. Alors que les effectifs de médecins sont insuffisants pour couvrir les besoins de l'ensemble du territoire, votre solution, en plus d'être très coercitive, ne nous semble pas la mieux adaptée à la démographie médicale actuelle. Nous ne voterons donc l'article 1er que sous réserve de l'adoption de l'amendement que nous avons déposé.
Avec mes collègues du groupe Agir ensemble, je défendrai également deux amendements visant à ajouter deux articles à la proposition de loi, car une politique d'attractivité réelle doit être menée dans les territoires. Le premier vise à renforcer l'information du Parlement sur le développement des stages en ambulatoire et le second à encourager la signature de contrats d'engagement de service public.
À titre personnel, je voterai l'article 2, surtout pour son application dans les zones sous-denses, car nous savons que la majorité des étudiants choisissent d'exercer là où ils ont étudié, ayant souvent parallèlement commencé à construire leur vie familiale. Cet article aurait pour effet d'ouvrir davantage de recrutements, en particulier dans le cadre de passerelles, pour des étudiants déjà en activité professionnelle, mais dont la situation financière est précaire.
En revanche, le groupe Agir ensemble se montre réservé quant aux articles 3 à 6.
Si nous comprenons l'objectif de l'article 3, qui vise à réguler l'installation en médecine de ville pour rééquilibrer les effectifs de médecins libéraux en fonction des besoins de santé sur le territoire, nous y sommes opposés.
Premièrement, le dispositif ne pourrait fonctionner que pour les professions dites dynamiques, dont les effectifs sont suffisamment importants pour couvrir l'ensemble du territoire. Or il n'existe plus d'endroit en France où les médecins sont trop nombreux.
Deuxièmement, une telle mesure pourrait conduire les médecins à opter pour un exercice non conventionné et donc non remboursé par la sécurité sociale, ce qui créerait une médecine à deux vitesses.
Enfin, il nous paraît inopportun d'introduire quelque mesure que ce soit qui n'aurait pas été élaborée en concertation avec les professionnels. On ne peut espérer assurer un exercice de qualité quand on contraint : la désaffection pour la médecine de ville n'en serait que plus grande.
Ainsi voterons-nous en faveur de l'article 1er sous réserve de l'adoption de notre amendement, mais contre le reste du texte. Cela étant, je ne doute pas que nos débats permettront d'identifier des outils plus pertinents pour lutter contre la désertification médicale, enjeu auquel nous devons collectivement tenter d'apporter une réponse.