Je remercie M. le rapporteur et le groupe GDR d'avoir inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée une proposition de loi pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale. En effet, le malaise au sein de nos hôpitaux est la partie visible d'un malaise plus grand encore qui traverse et menace la stabilité de notre système de santé dans son intégralité. Je veux parler du déséquilibre persistant de l'offre de soins et de la répartition très inégale des médecins sur le territoire.
J'insiste là-dessus : la lutte contre la désertification médicale qui s'aggrave est un enjeu de santé publique, mais aussi de cohésion sociale.
C'est un enjeu de santé publique pour une population qui augmente, qui vieillit et souffre de plus en plus souvent de maladies chroniques. Dans certains territoires, il faut parfois attendre vingt jours pour obtenir un rendez-vous chez un généraliste. Pour les consultations chez un spécialiste, les délais augmentent : jusqu'à cinq mois d'attente pour un ophtalmologue. C'est un vrai problème en termes de soins, de dépistage et de pertes de chances pour ces patients. C'est aussi un problème pour tous les professionnels de santé confrontés à une charge de travail très importante, laquelle explique en partie le désintérêt des étudiants et des étudiantes pour l'exercice de la médecine générale en libéral.
C'est aussi un enjeu de cohésion sociale, car l'accès aux soins est remis en question par des inégalités territoriales croissantes qui dépassent cette seule problématique. Bien souvent, un désert médical est un territoire dans lequel l'accès aux transports, à la culture, à l'éducation ou encore au numérique est également très difficile, voire inexistant.
Outre ces inégalités territoriales, l'accès aux soins est aussi miné par des inégalités sociales qui, souvent, se recoupent. Le renoncement aux soins frappe en effet davantage les personnes pauvres et aux conditions de vie précaires. Ce renoncement est insupportable dans un pays qui consacre la protection de la santé dans sa Constitution. Ne sous-estimons pas le rôle de la désertification médicale dans le sentiment de plus en plus grand de fracture sociale et de défiance envers les institutions publiques.
Ces constats – que je sais partagés par tous ici – étant posés, ils nous imposent désormais d'agir. Dire que les majorités successives et que nos politiques publiques ne se sont pas emparées de la question serait faux, mais affirmer que ces dernières ont été un succès n'est pas vrai non plus. Tous les dispositifs incitatifs à l'installation proposés ces dernières années ont échoué à inverser la tendance. L'urgence de la situation et le constat de cet échec nous obligent à faire davantage et à envisager la mise en place de mesures de régulation comme il en existe actuellement pour d'autres professions. Il nous faut trouver un équilibre entre la liberté d'installation des médecins, d'une part, et la protection de la santé garantie à chacun, d'autre part.
Le débat s'est trop longtemps cristallisé sur l'impression que ces deux enjeux étaient irréconciliables, mais je suis persuadée qu'une troisième voie est possible. Vous l'avez trouvée, monsieur le rapporteur : le conventionnement sélectif est une réponse. Le relèvement du numerus clausus, désormais appelé numerus apertus, était indispensable, mais il ne suffira pas ; j'en veux pour preuve le fait que le nombre de médecins inscrits au Conseil national de l'Ordre ne fait qu'augmenter, et que la désertification médicale s'aggrave malgré tout.