Nous souhaitons avant tout exprimer tout notre soutien et toute notre fraternité à nos concitoyens de la Martinique et de la Guadeloupe, qui connaissent des difficultés depuis deux semaines. Nous espérons vivement que le calme reviendra avec de vraies solutions concertées entre les parties prenantes. J'associe naturellement à mon intervention Josette Manin et Hélène Vainqueur-Christophe, retenues en circonscription pour les raisons que nous connaissons.
Comme cela vient d'être rappelé à plusieurs reprises, la Martinique, qui était un des départements les plus jeunes de France il y a vingt ans, est aujourd'hui, avec la Guadeloupe, l'un des territoires français où la proportion de personnes âgées est la plus forte. Les démographes sont unanimes : dans trente ans, une personne sur deux y sera âgée de 60 ans et plus, faisant ainsi de la Martinique le territoire le plus âgé de l'archipel France. Ainsi, selon l'INSEE, au 1er janvier 2014, la Martinique comptait 12 500 habitants de moins qu'en 2009, avec 383 910 habitants, soit une baisse annuelle moyenne de 0,6 %.
Différentes raisons expliquent cette problématique, et d'abord la transition démographique que le territoire connaît depuis vingt ans. En effet, même s'il existe des difficultés au niveau du pouvoir d'achat et du système de soins, les populations vivent plus longtemps que leurs aînés : 80 ans en moyenne pour les hommes et 84 ans pour les femmes. S'ajoute à cela la chute du nombre de naissances, car les Martiniquaises ont moins d'enfants que leurs parents : on dénombre deux naissances par femme, contre six il y a cinquante ans.
Une autre explication, historiquement malheureuse, concerne l'envoi vers l'Hexagone de jeunes de moins de 35 ans par le bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer pendant vingt ans, depuis les années 1960. C'est autant de jeunes qui ont refait leur vie dans l'Hexagone plutôt qu'en Martinique. Les jeunes fonctionnaires ultramarins mutés dans l'Hexagone peinent à revenir dans leur territoire d'origine, alors qu'ils doivent pouvoir le faire sans difficulté du fait de leur centre d'intérêts matériels et moraux. Notons à ce sujet la question de la prise en charge des aînés lorsque les familles demeurent dans l'Hexagone et celle des nombreux dossiers de mutation des administrés martiniquais qui ne trouvent pas d'issue favorable de la part des administrations.
Enfin, la Martinique fait face à une fuite de jeunes talents. Ils sont nombreux à s'installer durablement dans l'Hexagone pour exercer une activité après leurs études supérieures afin d'avoir de meilleures chances de promotion sociale, ce qui conduit à un déficit migratoire et à une modification de la structure de la population. Quid des difficultés des jeunes à revenir dans leur territoire, quand on voit leurs difficultés pour se faire recruter ou se faire correctement rémunérer à leur retour au pays ?
Par ailleurs, les difficultés économiques imposées par le vieillissement de la population sont exposées par les chiffres inscrits dans la proposition de résolution. Un retraité sur quatre perçoit le minimum vieillesse ; un retraité sur trois âgé de plus de 65 ans vit seul et potentiellement isolé ; plus de la moitié des retraités martiniquais vit en dessous du seuil de pauvreté, qui est de 615 euros en Martinique, contre 997 euros en France hexagonale. Cette situation risque de s'aggraver dans les prochaines années avec l'augmentation du nombre des personnes âgées, seules les entreprises de la Silver économie en tirant avantage.
Madame la ministre déléguée, voici quelques propositions qui permettent de lutter contre le déclin démographique et ses effets sur la Martinique : faciliter le retour des jeunes Antillais, avec une grande vigilance sur les problèmes de discrimination à l'embauche et une réelle prise en compte des CIMM des fonctionnaires ; accorder des prestations familiales dès le premier enfant, le temps de réguler les questions démographiques ; avoir un meilleur pilotage statistique des politiques publiques pour améliorer les leviers de lutte contre le déclin démographique, les chiffres les plus récents remontant souvent à six ans ; mieux accompagner nos aînés martiniquais après leur retraite ; élargir les compétences et les moyens de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) pour appuyer les retours volontaires des jeunes ultramarins ; enfin, aller vers les chemins de la réparation sur des dossiers comme la pollution au chlordécone ou encore la lutte contre la vie chère et la redynamisation du territoire.
Vous l'avez compris, le groupe Socialistes et apparentés votera cette proposition de résolution de notre collègue Manuéla Kéclard-Mondésir, qui invite le Gouvernement à permettre à la Martinique de prendre en compte et de reconnaître la richesse de ses aînés, mais aussi de retrouver sa vitalité et sa jeunesse pour l'avenir.