Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 21h30
Financement de la transition écologique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

« Il n'y a pas d'argent magique » : voici ce que rétorquait Emmanuel Macron en avril 2018 à une aide-soignante qui dénonçait le manque de moyens de l'hôpital. C'est avec cette même rhétorique que, chers collègues de la majorité, vous avez systématiquement balayé les propositions de loi et amendements qui visaient à éradiquer la pauvreté, à sauver les services publics, ou encore à faire face au plus grand défi que l'humanité doit relever : le changement climatique. De même, vous vous étiez opposés à la proposition de résolution défendue par Jean-Luc Mélenchon et le groupe La France insoumise en juin 2020 sur la dette publique.

Mais voilà que la covid-19 a rebattu les cartes ; voilà que le Gouvernement a accepté un déficit qui vous aurait fait cauchemarder en temps normal ; voilà que l'Union européenne a suspendu le carcan des critères de Maastricht, qui entravent les peuples depuis bientôt trente ans. On a failli attendre ! Cette suspension du pacte de stabilité et de croissance sera bien sûr temporaire, et dès 2023 la police du déficit et de la dette sera relancée.

Si nous voulons préserver la vie humaine, souci que vous partagez, je n'en doute pas, il faut changer de fond en comble nos manières de produire, d'échanger et de consommer. Nous devons aussi former et qualifier. Il nous faudra des centaines de milliers de paysans pour sortir de l'agriculture intensive. Des millions d'emplois seront indispensables pour planifier le passage aux énergies renouvelables, pour construire des transports écologiques, pour rénover l'ensemble du parc immobilier. Les besoins en travail et en intelligence sont énormes. Bref, pour éviter la catastrophe, des investissements gigantesques sont indispensables, et dès maintenant. Or tout cela est impossible dans le carcan des règles budgétaires européennes.

Cette proposition de résolution ne demande pas la lune. Il s'agit simplement de retirer du calcul du déficit les investissements dédiés à la bifurcation écologique. C'est un premier pas qu'il faut franchir. La suspension des règles budgétaires européennes est une chance : saisissez-la, engageons un rapport de force pour sortir nos États des dogmes libéraux de l'Union européenne. Il est plus que temps de rétablir la souveraineté des États sur leur budget et leur politique économique.

La France prendra la présidence du Conseil de l'Union européenne le 1er janvier 2022, au moment où se négocieront de nouvelles politiques climatiques et budgétaires. La présidence française pourrait exiger de l'Union européenne que la Banque centrale transforme sa part des dettes publiques en dette perpétuelle à taux nul : 20 % des dettes de notre pays sont détenues par la Banque centrale européenne. Par la suite, nous pensons que la BCE devrait financer directement les États, comme le font déjà ses homologues britannique et américaine.

Nous proposons également de lancer un plan d'investissement massif de 200 milliards d'euros.

À ceux qui nous disent que ce programme nous mène à la faillite, je demanderai : l'explosion du niveau de la dette lors de la crise sanitaire a-t-elle mis l'État en faillite ? Les portes de l'enfer se sont-elles ouvertes ? Évidemment non.

Nous avons d'autres propositions concernant la dette : réinstaurer un circuit du Trésor pour sortir de la dette publique, réaliser un audit citoyen de la dette publique pour en déterminer la part illégitime et préparer un réaménagement négocié, retirer la dette covid des comptes de la sécurité sociale, mettre en place une caisse de défaisance pour reprendre la dette privée asphyxiante des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) contractée pendant la pandémie, ainsi que les dettes agricoles de ceux qui sont convertis au 100 % bio.

Pour faire face à l'urgence écologique, nous devrons investir massivement quoi qu'il arrive. La crise que nous traversons n'est qu'un avant-goût du chaos climatique à venir : chaleurs extrêmes, montée des eaux, incendies plus fréquents… Voilà le sombre tableau qui nous attend si nous continuons d'appliquer des règles technocratiques insensées. Le groupe La France insoumise soutient donc la proposition de résolution européenne du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Retirons du calcul du déficit public les dépenses d'investissement nécessaires à la bifurcation écologique. Ce seraient un premier pas et une mesure de bon sens.

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