Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 21h30
Financement de la transition écologique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Nos collègues du groupe GDR nous invitent à nous poser la question suivante : « Certaines dépenses, du fait de leur caractère structurant pour l'avenir de notre planète, peuvent-elles s'affranchir des règles de gestion budgétaire, notamment européennes ? » Cette question invite à réfléchir sur l'obsolescence des critères budgétaires actuels et l'insuffisance des investissements dits verts. Ce débat essentiel que vous soulevez devrait être mené sans délai au niveau communautaire. Quels nouveaux critères pour remplacer ceux de Maastricht ? Quelle méthode pour sortir de la crise sanitaire et affronter la crise climatique et écologique à venir ? Alors que la France présidera le Conseil de l'Union européenne durant le premier semestre de l'année 2022, ce débat nous donne l'occasion de nous interroger : quelle est l'ambition et quel est l'agenda du Gouvernement ? Quelles sont les pistes pour une réforme profonde de ce cadre budgétaire à la fois contraignant et inadapté ?

Personne ne peut prétendre que les deux critères budgétaires, à savoir 60 % de dette et 3 % de déficit public, fixés dans les années 1990, sont encore pertinents. La France ne les a d'ailleurs jamais respectés. Notre dette dépasse désormais les 115 % de PIB et s'approche dangereusement des 3 000 milliards d'euros. Toutefois, ce n'est pas parce que l'on a déjà franchi toutes les limites qu'il faut abolir les règles. Au contraire, il faudra nécessairement nous doter d'un cadre rénové, à même de nous accompagner dans la reprise, sans pour autant tomber dans l'austérité.

Avec la fin de la pandémie, la normalisation économique et sanitaire que nous espérons va nécessairement s'accompagner du rétablissement d'un cadre budgétaire. Par ailleurs, l'urgence climatique et écologique que l'Europe n'avait pas prise en compte au moment de l'élaboration des critères de Maastricht doit maintenant nous conduire à renforcer notre action. Il serait faux de dire que l'Union européenne n'agit pas en la matière. Son plan de relance, qui s'élève à 750 milliards d'euros, impose aux États de consacrer au moins 37 % des financements à la transition écologique. En outre, pour atteindre les objectifs du pacte vert pour l'Europe, la Commission européenne entend mobiliser 1 000 milliards d'euros d'investissements durables dans la décennie à venir. Mais, en dépit de ces efforts importants, les investissements, tant publics que privés, restent insuffisants. On sait que certains rapports évoquent des chiffres bien supérieurs pour atteindre la neutralité carbone.

Alors, après avoir dressé un tel constat, quelles pistes pouvons-nous tracer ?

Tout d'abord, je serais favorable, sinon à la suppression, du moins à l'élévation du plafond de la dette au-delà de 60 points de PIB. Cependant, il nous paraît utile de maintenir un cantonnement des déficits afin de revenir sur une trajectoire plus favorable. En effet, n'oublions pas que ce sont les générations futures qui paieront les conséquences de ce qui n'aura pas été fait pour préparer l'avenir. Le groupe Libertés et territoires comprend les objectifs poursuivis par les auteurs de cette PPRE. Derrière la question du déficit se cache la question de la qualité de nos dépenses publiques. Nous savons qu'elles représentent, en France, 55,6 % du PIB en 2022. Au niveau européen, les appels se multiplient pour différencier ce qu'on pourrait appeler la bonne dépense publique tournée vers l'avenir d'une dépense qui serait jugée mauvaise : toutefois, cette distinction nous paraît assez inquiétante.

Cette proposition appelle à sortir les dépenses vertes du calcul du déficit. Si l'intention est incontestablement louable, le dispositif est-il approprié ? D'une part, ce n'est pas la règle des 3 % qui freine les investissements dans la transition climatique mais bien plutôt un manque de volonté politique. D'autre part, pourquoi déduire les dépenses vertes et pas d'autres catégories ? Je pense notamment aux dépenses de santé ou d'éducation qui participent également à la construction de notre avenir. Nous risquerions de nous retrouver dans une situation analogue à celle du rabais britannique, laquelle avait entraîné une succession de réclamations et des rabais sur le rabais. Personnellement, je privilégierai le choix d'une réforme globale et plus profonde qui devra s'inscrire dans les négociations européennes en cours.

Je m'interroge donc sur les effets indésirables que l'application concrète du texte de nos amis du groupe GDR pourrait occasionner, même si j'en reconnais très volontiers le caractère stimulant sur les plans intellectuel et politique. Je voudrais pour finir remercier le groupe GDR pour toutes les propositions qu'il a faites au cours de la journée : elles nous ont permis de soulever tout au long des débats des questions très intéressantes et, parfois, décisives.

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