Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 21h30
Financement de la transition écologique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Ce film participe donc d'un débat non seulement sur l'écologie mais aussi sur l'éducation populaire et la prise de conscience. On voit ces jeunes de banlieue, de condition défavorisée, qui sont torturés par le choix entre la perspective d'une croissance de l'emploi, des investissements, de l'offre de loisirs à la porte de leur ville, et le souci du commun, des terres agricoles et de leur protection. Un moment de cette réflexion nous est montré avec beaucoup d'humour : une gamine, Amina, qui a dix-sept ans, prononce une phrase qui pourrait nous éclairer tant elle est sage : « Quand on ne sait pas, il faut revenir à la base. » On aura besoin de manger, on aura besoin des terres, et c'est ça qui est le plus important. Elle chemine comme cela.

Il me semble que le groupe communiste, aujourd'hui, à travers sa proposition de résolution, nous propose de revenir à la base : qu'est-ce qui est important ? Comme Amina, je dirais que, si on revient à la base, le plus important est d'être vivant demain. La Terre survivra à nos turpitudes, mais nous devons nous inquiéter de l'humanité.

Il est inutile de reprendre le plaidoyer du GIEC, celui du Haut Conseil pour le climat et de toutes les instances internationales qui, à la COP26 à Glasgow et auparavant, nous ont alertés sur le fait que « la maison brûle » et que nous continuons en partie à « regarder ailleurs ». Nous sommes appelés à une conversion radicale. J'étais à Bruxelles aujourd'hui, avec des membres de la commission des affaires européennes, pour dialoguer avec trois commissaires européens, dont Thierry Breton, au sujet de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Les chiffres sont connus. La Cour des comptes européenne prévoit un budget de 1 100 milliards d'euros ; la Commission européenne prévoit un budget de 2 600 milliards, cependant elle n'émet que 1 000 milliards pour la prochaine décennie. L'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), qui est un réseau de référence que je chéris, affirme que la France doit prévoir un budget de 55 à 85 milliards d'euros pour décarboner le bâtiment, les transports et notre industrie pour l'essentiel.

Nous avons absolument besoin que la France et l'Union européenne engagent ces investissements majeurs et qu'elles le fassent avec la conscience très vive qu'elles ne sont qu'une partie de l'humanité. Lorsque vous évoquiez Valéry Giscard d'Estaing, monsieur Favennec-Bécot, je pensais à Robert Schuman, qui est lorrain et donc tout proche de nous. Lorsqu'il a prononcé la déclaration du 9 mai 1950, les Européens représentaient 20 % de l'humanité. Un siècle plus tard, en 2050, ils représenteront 5 % de cette humanité. Si les pays européens ne se rassemblent pas au sein de l'Union pour consentir cet effort vers la transition écologique, alors tous nos efforts seront vains. Je soutiens, au nom du groupe Socialistes et apparentés, la démarche engagée par le groupe communiste, même si la solution proposée ne me paraît pas la plus adéquate.

J'énoncerai trois conditions qui n'ont pas été, me semble-t-il, développées jusqu'ici. Premièrement, il nous faut une puissance publique qui, telle les rives d'un fleuve, lui donne sa dynamique. Sans une telle dynamique, le fleuve devient un marécage. Nous avons besoin que la force de l'esprit d'entreprise soit canalisée, guidée, et que des conditions soient énoncées.

Deuxièmement, il nous faut parler de la dette et de son remboursement. Nous écrivions dans une tribune en avril 2020, déjà, que le choix de ne pas parler du remboursement de la dette, qui était celui du Gouvernement, ne laisserait ouvertes que deux voies aussi dangereuses l'une que l'autre. La première serait celle d'une baisse des dépenses publiques au-delà des politiques déjà engagées en ce sens. Nous savons les conséquences qui en seraient payées, argent comptant, par les classes moyennes et populaires. La seconde serait la recherche d'une croissance à tout prix au mépris du contrat social, qui creuserait une dette écologique déjà abyssale. Nous avons besoin de savoir comment nous allons régler la dette. Il n'y a pas de New Deal écologique sans cela.

Troisièmement, il nous faut une nouvelle comptabilité, qui intègre la dette écologique et le coût de l'inaction en matière d'investissement. Lorsque nous aurons cette nouvelle comptabilité, la proposition que nous font nos collègues camarades communistes sera alors frappée au coin du bon sens.

Comme Amina, je dirais pour finir : dans les moments de grande mutation, dans cette crise de l'anthropocène, il nous faut revenir à la base.

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