Intervention de Richard Ferrand

Séance en hémicycle du mardi 7 décembre 2021 à 15h00
Éloge funèbre d'olivier dassault

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand, président :

Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, le 7 mars dernier fut un bien triste dimanche. Dans un fracas de métal, en une fraction de seconde, la fatalité nous enlevait brutalement un collègue, foudroyé dans son envol, lui qui semblait tutoyer les nuages. Olivier Dassault nous quittait comme il avait vécu, en mouvement, par surprise, dans un dernier éblouissement, fatal celui-là.

Pilote professionnel, colonel de réserve dans l'armée de l'air et deux fois recordman du monde de vitesse aérienne, il est parti entre terre et ciel, pour reprendre le titre d'un de ses albums de photographies. Car Olivier Dassault, l'ingénieur, le pilote, l'industriel, le patron de presse, le chasseur, l'élu local et le député, était aussi un artiste. Alors que le hasard de la naissance lui offrait toutes les facilités de la fortune, il était exigeant pour lui-même autant que pour les autres. Il voulait avancer et comprendre. Il voulait s'accomplir en devenant cet homme complet de l'humanisme, recherchant l'accord de l'esprit et des sens, tendant de toutes ses forces vers le beau et le vrai.

Son œil aiguisé de pilote était aussi celui d'un photographe épris de vérité qui saisit l'énergie stellaire de nos meilleures actrices et la fixa sur de lumineux clichés, avant de se focaliser sur la beauté désincarnée, la beauté pure de l'abstraction formelle.

Son oreille fine d'avionneur était aussi celle d'un musicien, dont les accords vifs, prestes et élégants comme lui ont rythmé plusieurs films. C'est aussi sur ses notes que nous sommes entrés dans le XXIe siècle, puisqu'il avait composé l'air qui accompagnait le feu d'artifice de l'an 2000.

« La difficulté attire l'homme de caractère, car c'est en l'étreignant qu'il se réalise lui-même », écrivait le général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre. Gaulliste de cœur, Olivier Dassault illustra cette maxime par son goût du défi qui le conduisit à cet art plus difficile encore qu'est la politique. Conseiller de Paris dès 1977, à 25 ans, il choisit pourtant de s'implanter dans l'Oise, où il fut élu député pour la première fois en 1988 et réélu en 1993. Pendant un semestre, en 1994, il fut parlementaire en mission, chargé de réfléchir aux moyens d'aider nos PME à l'exportation. Conseiller municipal de Beauvais de 1989 à 1996, conseiller régional et vice-président du conseil régional de Picardie de 1992 à 1993, puis conseiller général de l'Oise jusqu'en 1998, il sut l'âpreté des campagnes électorales et apprit les leçons du terrain.

Aux législatives de 1997, Olivier Dassault connut l'amertume d'une défaite électorale, mais cet optimiste ne se découragea pas et, en 2002, il reconquit son siège, qu'il remporta de nouveau en 2007, en 2012 et encore en 2017, après avoir appelé à faire barrage à l'extrême droite au second tour de l'élection présidentielle.

Diplômé en mathématiques de la décision, Olivier Dassault savait mieux que personne apprécier la complexité de notre temps. Sans doute aussi se souvenait-il de son grand-père, Marcel Dassault, dont il reprenait la circonscription et qui, en déportation, avait dû la vie à ses codétenus, dont le futur député communiste Marcel Paul.

Les slogans simplistes, les affrontements binaires ? Rien n'était plus étranger à Olivier Dassault, pour qui la discussion, le respect de l'autre et la compréhension mutuelle formaient le préalable à toute action. Nous qui l'avons connu pouvons en témoigner : il n'était pas besoin de partager ses idées pour sentir en lui le sens de l'intérêt général, l'amour de la France et le dévouement à la République.

En témoignent ses nombreuses propositions de loi, qui ne se limitaient pas à l'aéronautique, mais portaient aussi bien sur le cycle des apprentissages fondamentaux que sur l'insertion professionnelle des jeunes dans l'entreprise, le rapatriement des capitaux sur le territoire national ou la réforme des modes de scrutin. Un jour, il imaginait toute une batterie de mesures visant à faciliter l'emploi d'un auxiliaire de vie professionnel pour les chefs d'entreprise handicapés ; un autre, il proposait d'instituer une journée nationale des fondations.

Tel était notre collègue, inventif, ouvert, disponible et en quête du meilleur pour la France et pour les Français. L'Assemblée nationale se souviendra de lui, de sa personnalité exceptionnelle, de son audace, de sa bonne volonté, de ce civisme avec lequel il apportait à nos travaux son expérience et son savoir, avec la cordialité d'un esprit libre qui veut partager sa passion et la mettre au service de tous.

À ses enfants Héléna, Rémi et Thomas, à sa famille, à ses amis et à ses collaborateurs, au nom de tous les députés de l'Assemblée nationale et en mon nom personnel, je présente mes condoléances attristées.

La parole est à M. le Premier ministre.

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