Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, garantir l'accès aux soins à tous les Français sur l'ensemble du territoire national est évidemment une nécessité, nous l'avons tous rappelé. Personne ne saurait donc nier que cette proposition de loi s'attaque à un problème réel, grave et central dans le débat public.
Toutes les régions sont concernées : zones périurbaines, coeur de certaines villes, zones rurales. Ces dernières sont particulièrement en souffrance. Par exemple, l'Aude, département où je suis élue, a connu un recul de 22 % du nombre de ses généralistes entre 2007 et 2016, ce qui aboutit à l'une des plus faibles densités de médecins par habitant au niveau national. Le constat est malheureusement identique s'agissant des spécialistes.
Le conventionnement sélectif des médecins libéraux permettrait, d'après la proposition de loi, de remédier à l'insuffisance de l'offre de soins sur certains territoires. A contrario, le non-conventionnement devrait avoir pour effet de décourager l'installation de médecins dans les zones qualifiées de « sur-denses ». C'est possible, mais pas certain – il faudrait déjà que ces zones existent. Et qui nous dit que les médecins iront s'installer dans les zones sous-denses ?
Les études d'impact montrent que, quand on régule, le problème est le même dans tous les pays : on réduit l'installation dans les zones sur-denses et les professionnels s'installent dans leur périphérie. C'est le cas dans la vallée du Saint-Laurent, seule région peuplée du Québec, et dans la région de Berlin, où les médecins se sont installés aux alentours, dans le Brandebourg.
Vous aurez aussi observé que les médecins ont dit et redit leur opposition à cette régulation. Aucune concertation n'a encore été menée alors que c'est à cette condition que nos mesures peuvent réussir. Car, si le projet n'est pas porté par les professionnels de santé, il est voué à l'échec. À cet égard, nous avons la chance que notre ministre de la santé ait su établir le dialogue avec les médecins et bénéficie de leur confiance.
En outre, le problème me paraît plus global. La désertification médicale interroge l'évolution de notre société, marquée par le vieillissement de la population. Elle questionne la pratique de la médecine, quand on sait que les médecins se tournent de plus en plus vers le salariat. Elle renvoie à la question plus large du manque d'attractivité des zones rurales et des autres zones en difficulté.
L'Atlas de la démographie médicale en France, publié en octobre 2017 par l'Ordre des médecins, montre que les territoires souffrant de difficultés d'accès aux soins sont aussi affectés par d'autres fragilités : problèmes de couverture numérique, d'aménagement du territoire, difficultés socio-économiques. Prenons l'exemple de ma circonscription audoise, coincée entre Montpellier, à deux heures de route, et Toulouse, à une heure trente. Quand ils veulent s'installer, les médecins nous demandent de trouver un travail adapté aux compétences de leur conjoint et un endroit où leurs enfants pourront faire des études.
La désertification médicale provient d'abord du manque d'attractivité économique, ensuite de la méconnaissance de la ruralité, le cas échéant. S'installer à la campagne, c'est souvent un choix de vie. Il est de notre responsabilité d'élus d'expliquer nos belles campagnes aux médecins, de les convaincre, de les y attirer, et certainement en y oeuvrant dès l'université. Sinon, les médecins préféreront le déconventionnement à l'installation en zone sous-dense, au détriment des patients.
À la ville comme à la campagne, votre proposition risque d'inciter les médecins à sortir du système de santé pour s'orienter, par exemple, vers l'industrie pharmaceutique.
Je vous remercie toutefois, monsieur Garot, de m'avoir donné, en déposant ce texte, l'occasion de rappeler que le Gouvernement a d'ores et déjà proposé des solutions, à travers le plan pour renforcer l'accès territorial aux soins, présenté en octobre dernier. Ce plan fait confiance au corps médical et favorise les initiatives locales innovantes. Il s'appuie sur les acteurs de proximité et sur les agences régionales de santé afin de trouver des solutions plus efficaces et adaptées aux territoires. Accompagnons nos médecins pour résoudre le problème de la désertification médicale ! Laissons-les s'emparer des outils que le plan leur propose ! Doublons le nombre de maisons de santé pluridisciplinaires ! Permettons les exercices partagés ! Accélérons le recours à la télémédecine ! La victoire sur la désertification médicale passera par la coordination entre professions médicales et par des mesures adaptées à chaque territoire, qu'il soit urbain, périurbain ou rural. C'est un travail de dentelle dont nous sommes capables. Nous, qui vivons ce problème au quotidien, attendons avec confiance les résultats de ces mesures.
Voilà pourquoi j'appelle à voter pour la motion de renvoi en commission que défendra notre collègue Marc Delatte.