Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du vendredi 10 décembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Nous arrivons bientôt au terme de l'examen du budget pour 2022, le dernier de ce quinquennat.

Cette année aura été exceptionnelle de bien des manières : par la crise sanitaire que l'on pensait un temps finie mais qui perdure et ne semble, hélas, pas près de s'arrêter ; par l'ampleur des crédits mobilisés pour soutenir notre économie – 90 milliards d'euros de dépenses de relance et de soutien en 2021 ; par l'ampleur de l'augmentation de la dépense courante en période de crise – 48 milliards d'euros en 2021 et 100 milliards d'euros en trois ans.

Elle l'aura aussi été, monsieur le ministre délégué, par le nombre record d'amendements déposés par le Gouvernement sur le texte.

J'avais d'ailleurs abordé le sujet en première lecture lorsque près de 130 amendements avaient été déposés à la dernière minute. C'est évidemment une manière d'éviter un examen sérieux par la commission, puisque nous n'avons pas le temps de les regarder. C'est encore le cas cette fois-ci.

Pour cette nouvelle lecture, quelque quarante amendements ont encore été déposés par le Gouvernement, qui ne sont évidemment pas que des amendements de suppression : il n'était pas question de rétablir un texte qui, au fond, est celui de l'Assemblée nationale.

La copie que nous corrigeons aujourd'hui jusqu'au dernier moment, c'est celle-là même que nous avions adoptée en première lecture, le 16 novembre. Le Gouvernement continue à amender inlassablement son propre texte, sans doute pour s'adapter à l'actualité.

Cette inflation du nombre d'amendements a conduit à une dégradation du solde de l'État sur les plans fiscal et budgétaire, puisqu'à l'issue de la première lecture vous avez diminué les recettes de 5 milliards d'euros par rapport à l'équilibre présenté dans le projet de loi initial et augmenté les dépenses de 6,8 milliards d'euros, en raison des crédits budgétaires supplémentaires ouverts.

En définitive, le déficit de l'État s'est dégradé de près de 12 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, atteignant ainsi 155 milliards d'euros, notamment en raison du plan d'investissement France 2030 – ouverture de crédits de paiement à hauteur de 3,5 milliards, par exemple, en 2022 –, des mesures pour le développement des compétences et l'insertion dans l'emploi – Contrat d'engagement jeune, plan de réduction des tensions de recrutement – ou encore des mesures prises pour faire face à l'inflation, notamment dans le domaine de l'énergie, par le biais de la prime énergie.

Je souhaiterais m'attarder un peu sur cette dernière.

À la fin du mois de septembre 2021, il était attendu que les tarifs réglementés du prix de l'électricité augmentent d'environ 12 % d'ici à février ou mars 2022, en raison de la croissance rapide des prix sur les marchés de gros. Pour y faire face, l'article 8 quinquies du projet de loi de finances pour 2022 prévoit que les tarifs de la TICFE pour les usagers résidentiels seront réduits afin de limiter la hausse des tarifs réglementés de l'électricité, prévue en février 2022, à une moyenne de 4 %.

Cependant, les prévisions de croissance des tarifs réglementés de l'électricité ont été revues à la hausse au cours des derniers jours : on évoque désormais une hausse comprise entre 20 et 25 % – contre une estimation initiale de 12 % – en 2022. L'application d'une simple règle arithmétique conduit à un coût total proche de 12 milliards d'euros.

Autrement dit, même une suspension totale de la TICFE ne permettrait pas à elle seule de compenser le surcoût du bouclier tarifaire, puisque les recettes totales de cette taxe s'élèvent à 8 milliards d'euros. Pour faire face à cette aggravation de la situation, vous avez introduit en première lecture un amendement qui prévoit un gel réglementé des ventes de gaz.

Vous voulez désormais faire adopter une mesure équivalente pour les tarifs réglementés de vente d'électricité. Pour cela, vous avez besoin de vous affranchir des recommandations de la CRE afin de fixer un tarif réglementé de vente inférieur à ce qu'il devrait être, destiné à assurer la stabilité des prix.

En première lecture, vous aviez estimé les différentes mesures votées pour contenir la hausse des prix de l'électricité et du gaz à un peu plus de 5 milliards d'euros pour la perte de recettes fiscales sur l'électricité et à 1,2 milliard d'euros de compensations pour les fournisseurs de gaz.

La situation dans laquelle nous nous trouvons face à la hausse spectaculaire des prix de l'énergie, en particulier de ceux de l'électricité, est délicate. Personne ne peut raisonnablement vous l'imputer, mais vous pariez que la hausse ne durera pas l'année prochaine et que tout reviendra dans l'ordre au cours des prochains mois. C'est un pari très risqué. Qu'en sera-t-il, si cette hausse se poursuit ? Quel sera le plan C ? On peut légitimement s'interroger sur une éventuelle dégradation supplémentaire du solde budgétaire pour 2022, que vous maintenez à 5 % quoi qu'il arrive.

Je veux bien comprendre que l'impact de la crise, les incertitudes concernant l'avenir et les tensions de tous genres se traduisent par des déficits et des dépenses supplémentaires. Cependant, depuis le début de ce quinquennat, vous n'arrivez pas à affirmer clairement que les finances publiques sont votre priorité, ce que je regrette. Votre message aurait pu être de prouver à tous les Français que les finances publiques font partie de notre souveraineté.

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