Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du vendredi 10 décembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Après le rejet assez inédit du texte par le Sénat, nous sommes amenés à examiner en nouvelle lecture le projet de loi de finances pour 2022, dans une forme identique à celle qui a été votée, ici même, il y a quelques semaines.

Il est à redouter, connaissant votre entêtement, et même si l'espoir gonfle toujours nos voiles, qu'il n'y ait donc que peu de surprises durant notre discussion. Mais il y aura également peu de suspense concernant le vote des députés communistes et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Ce projet de loi de finances vient clore cinq années d'une politique économique dont vous ne cessez de faire la réclame – j'emploie à dessein ce terme un peu suranné – comme on vend de la lessive en vantant ses mérites, par exemple en disant qu'elle lutte contre « la crasse propre », pour citer un fameux sketch.

Les chiffres triés sur le volet que vous mettez en avant ne peuvent masquer une réalité beaucoup plus sombre. Le taux de pauvreté s'établit toujours à près de 15 %, le chômage s'avère encore très élevé, celui des jeunes étant par exemple de 20 %. L'emploi, lui, est de plus en plus précaire.µ

Les Françaises et les Français ne s'y trompent pas. Ils ne partagent pas votre enthousiasme délirant. Dans une enquête publiée en octobre, 58 % des personnes interrogées affirmaient qu'elles n'étaient pas satisfaites de la politique économique menée depuis 2017.

L'effet de vos politiques a été particulièrement inégalitaire, l'étude publiée par l'Institut des politiques publiques en novembre est, à cet égard, éclairant. Vous affirmez avoir rendu près de 25 milliards d'euros aux Français grâce aux baisses d'impôt. Or force est de constater que vous ne les avez pas rendus à tous.

Outre le fait que de telles coupes appauvrissent l'État, celui-ci ne pouvant alors plus se donner les moyens de mener les grandes politiques publiques nécessaires pour répondre aux besoins, il faut rappeler que la fiscalité est aussi un outil de redistribution qui devrait permettre de réduire les inégalités.

L'étude menée par l'Institut est sans équivoque : les 5 % les plus modestes ont en effet vu, depuis cinq ans, leur niveau de vie baisser à la suite des mesures économiques prises par le Gouvernement quand, dans le même temps, les 1 % les plus riches sont ceux qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu, avec une hausse de leur niveau de vie de 3 % grâce aux cadeaux du début du quinquennat, soit environ 3 500 euros supplémentaires par an.

Dans notre pays, les pauvres sont donc de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches. Ce constat, certes simple, s'avère parfaitement en phase avec la réalité. Les 5 % les plus modestes représentent 3,35 millions de personnes en grande précarité, dont le revenu disponible après prélèvements est inférieur à 800 euros par mois.

Les associations caritatives nous alertent sur la hausse sensible de l'aide alimentaire, et les départements nous disent que les demandes de RSA augmentent nettement.

Cette situation, déjà indigne, l'est rendue plus encore par les efforts particuliers auxquels vous avez consenti pour d'autres catégories de la population. Je songe bien sûr à ceux qui sont à l'autre bout de la chaîne et qui ont le plus profité de votre politique économique, c'est-à-dire aux 1 % de Français les plus riches, dont le revenu mensuel dépasse 10 500 euros. Là est le « quoi qu'il en coûte » – en réalité, là est le couac : il en coûte.

Si le groupe de la Gauche démocrate et républicaine dénonce souvent cette situation, c'est parce que la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns est à la fois injuste et dévastatrice. Cette situation inégalitaire ne nuit pas seulement à la cohésion sociale, elle ne contrarie pas seulement les valeurs de solidarité et de coopération qui fondent notre pacte républicain : elle est aussi un contresens économique et social.

La politique des premiers de cordée, maintes fois vantée par la majorité – puisqu'en réalité, le plus gros poste budgétaire de cette année sera celui consacré à la peinture, pour tout repeindre en rose

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