Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du vendredi 10 décembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Voici le dernier budget de la législature, budget particulier et déterminant pour notre avenir, car, au moment où la pandémie marque un retour inquiétant, ce PLF est censé nous permettre d'accélérer la relance. La question essentielle est donc la suivante : ce budget permet-il de remettre la France sur les rails ?

Au début de l'examen du texte, le déficit s'établissait à 143 milliards d'euros, chiffre déjà inquiétant ; à l'issue de la première lecture, il dépasse les 155 milliards, soit presque 12 milliards d'euros supplémentaires, dont l'origine se trouve essentiellement dans plus de 150 amendements gouvernementaux, déposés au fil de nos débats.

En rejetant la première partie du PLF, nos collègues sénateurs ont voulu vous envoyer un signal. La situation risque en effet de devenir intenable. Les hypothèques sont nombreuses : risque sur les taux d'intérêt, déficit des échanges extérieurs, rythme de la croissance mondiale. Sur le fond, il est particulièrement malsain que l'endettement public serve de terrain de jeu à l'économie purement financière.

Dans ce contexte, quel avenir traçons-nous ? Quelle est la soutenabilité des équilibres budgétaires et de la dette ? En 2020, la France empruntait déjà 1 milliard par jour. En 2022, le ratio d'endettement devrait s'établir à 114 % du PIB, soit 2 950 milliards d'euros, ce qui représente une progression de près de 700 milliards durant le quinquennat. En cinq ans, la dette de chacun des 29 millions de foyers français a donc progressé de 24 000 euros.

Bien entendu, la crise sanitaire a aggravé les choses. Nous étions partisans des mesures de soutien à l'économie. Il reste que la gouvernance des finances publiques porte également sa part de responsabilité. En toute hypothèse, le piège de la dette est toujours plus menaçant.

Certes, il y a du positif dans ce budget, et certaines dépenses sont essentielles. Je pense notamment au volet rénovation énergétique, qui consacre 2 milliards au dispositif MaPrimeRénov'. C'est un véritable progrès car le plan de relance prévoyait initialement de dépenser la même somme en deux ans. Nous aurions sans doute pu mieux préparer l'objectif ambitieux d'une neutralité carbone du parc privé pour 2050 et pérenniser les dispositifs d'accompagnement.

J'ajoute que, pour remettre la France sur le chemin de la relance, en ce domaine comme en d'autres, il convient de travailler main dans la main avec les territoires et de s'adapter à leurs spécificités. Le contre-exemple le plus frappant est sans doute votre amendement record de 34 milliards d'euros pour le plan France 2030, conçu sans le concours des élus locaux. Ce manque de dialogue avec les territoires se répète en nouvelle lecture – je fais référence à l'enjeu de la péréquation régionale.

Dans le cadre de l'accord de partenariat conclu avec l'État en 2020, les régions ont transmis au Gouvernement leurs propositions issues d'un accord unanime. Vous avez fait le choix de ne pas suivre la lettre de cet accord. Ce sujet est suivi de près par le groupe Libertés et territoires. Ma collègue Sylvia Pinel soutiendra un amendement permettant de revenir à l'accord unanime des régions. J'espère, monsieur le ministre délégué, que vous serez à l'écoute de cette demande essentielle.

Et puis, il y a la Corse, bel exemple, qui, en raison de son insularité, fait face à des défis qui lui sont propres – je pense notamment aux épisodes de pollution maritime et aux accidents auxquels la collectivité n'a toujours pas les moyens de faire face dans le canal de Corse. Je défends, une fois de plus, un amendement de crédits tendant à améliorer les choses en ce domaine.

Se pose aussi le problème, lourd, du paiement des 90 millions à la société Corsica Ferries, susceptible de déstabiliser les finances de la collectivité de Corse. Vous vous préparez à prendre en charge une partie de la somme, comme l'imposent la justice et l'implication de l'État dans le fonctionnement biaisé du dispositif de continuité territoriale ; vous vous préparez à abonder le PTIC – plan de transformation et d'investissement pour la Corse – en ce sens. Je voudrais vous dire à cette occasion qu'il conviendra d'améliorer la gestion de ce programme, en impliquant plus et mieux la collectivité de Corse et les collectivités concernées.

Il reste également à bâtir un modèle de relations maritimes stable, enfin agréé par les services de la Commission européenne. Plus largement, je le répète, il faudra aussi remplacer les multiples dispositifs fiscaux, disparates, chevauchants, non dénués d'effets pervers, par un véritable statut fiscal et social, efficace en matière de développement.

En conclusion, nous n'ignorons pas les difficultés de l'heure, les vôtres. Elles sont considérables, multiples et profondes, mais nous avons au total de notables réserves sur le budget pour 2022.

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