Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du jeudi 18 janvier 2018 à 15h00
Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Pour prendre ces décisions, nous n'avons pas eu besoin d'évaluation. Mais, lorsqu'on parle de la place des administrateurs salariés dans les entreprises, il faudrait une évaluation sur dix ans ? L'introduction des premiers administrateurs salariés ne remonte pas à 2015, comme l'a dit M. le ministre, mais à 2013. Cela fait cinq ans qu'ils existent et nous n'aurions pas assez de recul pour évaluer leur action et passer à l'étape suivante ? Je suis extrêmement surpris de cette timidité.

S'agissant, par ailleurs, du poids que représenterait pour les entreprises une augmentation de la participation, du partage des bénéfices, je voudrais dire au ministre de l'économie, dont j'ai apprécié qu'il adhère à la philosophie de notre texte et témoigne de son intérêt tout autant pour les questions soulevées que pour nos travaux, que ce serait faire un mauvais procès au monde du salariat de penser que la participation à la gouvernance des entreprises serait une charge. Ce serait mal connaître la réalité de l'industrie allemande, qui a passé un contrat avec le monde syndical pour réaliser des restructurations, des mutations, auxquelles notre pays a moins su faire face.

Je pourrais lui conseiller la lecture du livre très renseigné de Christophe Clerc et Jean-Louis Beffa. Ils ne sont, ni l'un ni l'autre, de grands révolutionnaires, mais ils font la démonstration avec Louis Gallois et bien d'autres patrons, comme Emmanuel Faber, ou le leader d'un grand champion de l'énergie et de l'eau, que le partage du pouvoir est une force pour nos entreprises et pour l'avenir.

Alors, je suis vraiment déçu, malgré cette adhésion à notre philosophie, car j'aurais aimé qu'au moins l'on adopte les deux premiers points, la réforme du code civil et le principe de codétermination. Nous aurions alors posé un beau socle, une belle première pierre à la réforme de l'entreprise que vous appelez de vos voeux.

J'aurais rêvé d'un Premier ministre et d'un Président de la République moins timides, prêts à donner à l'Europe du sud un leader, la France, pour réinventer un modèle de l'entreprise adapté au XXIe siècle et qui rejoigne les meilleurs standards du nord de l'Europe, afin de construire un modèle européen qui soit une authentique alternative aux deux capitalismes, dont le cynisme est souvent dénoncé dans ces rangs. C'est un projet qui aurait mérité que l'on se mobilise pour le consolider, et bâtir ensemble des alternatives.

Déception, également, je l'ai dit, quant à cette réforme du code civil. Tout ça pour ça !

On nous annonce une réforme de l'entreprise, mais nous n'avons au final que la faculté de créer des sociétés de mission ! Le décalage entre l'annonce et le résultat est abyssal. Les sociétés de mission ne sont pas une révolution ; elles sont une faculté offerte dans la gamme des fonctions de l'économie sociale. Sans créer de confusion, des leviers bien plus puissants existent, au-delà du code civil, qu'il s'agisse du renforcement de l'agrément de l'économie sociale et de l'utilité sociale ou de la double notation qui représente une perspective de profonde mutation de notre économie dans le rapport aux citoyens, aux consommateurs, aux épargnants et aux collaborateurs.

Mais enfin, le code civil, qui prend en compte les conséquences d'une activité sur le plan social, économique et environnemental, deviendrait donc une option dans votre conception ? Nous devons bien évidemment lui conserver, dans un pays comme la France qui est le pays des Lumières, une dimension universelle, qui doit être partagée, car aucun Français ne peut oublier, même lorsqu'il devient un salarié, qu'il est d'abord un citoyen.

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