Intervention de Naïma Moutchou

Séance en hémicycle du lundi 13 décembre 2021 à 16h00
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Il me revient de vous présenter les termes de l'accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire (CMP), qui s'est réunie le 18 novembre dernier, sur les dispositions du titre Ier du projet de loi.

La discussion a été particulièrement délicate puisque, comme chacun le sait, ces dispositions concernent la responsabilité pénale des personnes ayant commis des faits de violence et qui s'étaient intoxiquées en toute connaissance de cause. Nos travaux viennent préciser des équilibres pluriséculaires. Nous avons agi avec la plus grande prudence mais aussi, il faut le dire, avec la ferme détermination de corriger les lacunes révélées par la dramatique affaire Sarah Halimi.

La préparation de la commission mixte paritaire a été difficile, non pas en raison d'un refus d'avancer de la part des sénateurs ni de considérations partisanes, mais bien parce que nous avons subi, paradoxalement, notre investissement respectif sur le sujet.

La commission des lois de l'Assemblée nationale avait consacré à la responsabilité pénale des personnes ayant perdu tout discernement une mission flash, que j'avais conduite avec notre collègue Antoine Savignat, au terme de laquelle nous étions parvenus à des conclusions communes : nous avions notamment écarté toute perspective de juger les « fous » – comme on les désigne d'un mot trop simple –, estimant que ni la justice, ni les victimes, ni la société n'y gagneraient quoi que ce soit. Telle était aussi l'opinion de la Chancellerie.

Le Sénat avait tout autant travaillé de son côté, à l'initiative notamment de la sénatrice Nathalie Goulet. Il privilégiait cependant des options radicalement contraires aux nôtres, comme celle de confier la déclaration d'irresponsabilité à la juridiction de jugement et, dans le cas des crimes, au jury populaire.

Les orientations des deux assemblées étaient donc mûrement réfléchies et apparemment irréconciliables. Je ne vous cache pas que nous étions sur le point de prendre acte de notre désaccord. Il a fallu toute l'énergie des présidents des deux commissions des lois, François-Noël Buffet au Sénat et Yaël Braun-Pivet à l'Assemblée nationale, pour rapprocher les positions et parvenir à un compromis, que je vais vous présenter.

Celui-ci consiste à maintenir l'essentiel du dispositif arrêté par l'Assemblée nationale, à savoir une irresponsabilité prononcée au stade de l'instruction et la création d'infractions autonomes pour sanctionner l'intoxication volontaire. Nous ouvrons toutefois une exception, dans un cas très précis : lorsque les expertises psychiatriques seront divergentes, c'est-à-dire lorsqu'un expert au moins conclura à l'abolition du discernement et un autre à la pleine responsabilité, et lorsque cette abolition sera, au moins partiellement, le fait de l'auteur, il reviendra à la juridiction de jugement – le plus souvent la cour d'assises et donc le jury populaire – de se prononcer sur la marche des événements, de façon préliminaire et à huis clos. Si la cour retient l'irresponsabilité, il n'y aura pas de procès criminel mais une poursuite sur le fondement des infractions que nous créons ; si la cour, au contraire, considère l'accusé responsable de ses actes, le procès se tiendra.

Ces dispositions préservent les lignes rouges de part et d'autre et permettent d'aboutir à un accord sur un sujet qui a profondément ému la nation. Personne n'aurait compris que les parlementaires se séparent sur un constat d'échec.

Les autres articles du projet de loi n'ayant soulevé aucune difficulté et le Gouvernement présentant des amendements de nature formelle, j'espère que nous aurons l'occasion d'approuver ensemble ce texte.

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