Quand j'avais dix ou quinze ans, on faisait déjà l'éloge d'une France de propriétaires et d'actionnaires. Si c'est ça la révolution, quel retour en arrière !
Je terminerai en revenant sur des propos d'Olivier Abel, que j'ai évoqués au début de ma précédente intervention : le malheur, c'est de ne pas savoir ce que nous devons aux autres. Lors d'une assemblée de réflexion politique, Olivier Abel a rappelé, à juste titre, qu'il y a des injustices, mais aussi des humiliations. Trois formes d'humiliations peuvent être distinguées dans notre civilisation : premièrement, le sentiment de ne servir à rien, d'être inemployable, d'être inutile ; deuxièmement, l'incapacité à peser sur le devenir du monde, l'impuissance à changer la société ; troisièmement, l'absence de repères, de boussoles, et le sentiment de n'avoir plus foi en rien. Et Olivier Abel ajoutait que la vocation de tous les citoyens et de la République était de lutter contre cette triple humiliation qui, en définitive, produit plus de violence que l'injustice.
Je crains, madame la ministre, que l'adoption de cette motion de renvoi en commission ne soit un moyen de reporter le débat sur nos propositions au printemps ou à l'été et, en définitive, de les enterrer. Mais nous allons argumenter et poursuivre le combat avec toute la coalition qui s'est formée à cet effet : syndicats, mouvement social, dirigeants, entrepreneuriat éclairé, universitaires, mouvements de jeunesse. Nous allons essayer de vous convaincre et de faire bouger les lignes, parce que cette loi, comme d'autres lois que nous avons défendues, a trait au commun et à la dignité humaine. Madame Avia, les salariés doivent être considérés non comme des objets de redistribution, mais comme des sujets et des citoyens devant prendre pleinement leur part dans la lutte contre ces trois humiliations mortifères.