Depuis que nous débattons de cette proposition de loi, vous persistez à me contredire lorsque j'affirme que ce texte instaurera pour les directeurs d'école un nouveau statut, d'ailleurs fort bien exposé dans votre allocution. Cela fait plus d'un an que je vous signale le rejet massif de cette mesure par la profession : selon diverses enquêtes d'opinion, plus de 89 % des directeurs d'école la dénoncent.
C'est le Président de la République qui a fini par me donner raison : le 2 septembre, à Marseille, il promettait « l'école du futur », laquelle suppose un nouveau statut des directeurs. J'ai écouté attentivement son discours : ce qui nous attend, si nous ne changeons pas rapidement de cap, c'est une libéralisation encore accrue du service public de l'enseignement, à commencer par la conversion des directeurs d'école en directeurs des ressources humaines (DRH). Dans l'école du futur, il sera possible de déroger aux rythmes scolaires nationaux, les équipes pédagogiques, recrutées par un directeur devenu chef d'établissement, mêleront personnels enseignants – ceux de l'éducation nationale – et non enseignants, notamment les employés communaux ou départementaux ; et tout à l'avenant. Bref, après le code du travail variant d'une entreprise à l'autre, le président Macron nous vante un système éducatif inégalitaire, différant selon les établissements et donc selon les territoires. Ce texte n'est qu'une étape de plus vers la réalisation des projets néolibéraux, destructeurs du service public éducatif, de M. Blanquer et du Président de la République.
C'est une autre vision que nous avons pour l'école. Contrairement à ce que sous-entendait M. Blanquer lors de nos précédents débats sur ce sujet, en septembre, nous ne voulons pas abolir la hiérarchie au sein de l'éducation nationale. Celle que requiert le premier degré existe déjà : l'inspecteur de l'éducation nationale est le supérieur des professeurs des écoles comme des directeurs, eux-mêmes professeurs des écoles. Il convient de ne rien modifier à cela. Or, preuve s'il en est de votre volonté de hiérarchiser l'école, en prévoyant à l'article 1er que le directeur « bénéficie d'une délégation de compétences de l'autorité académique pour le bon fonctionnement de l'école qu'il dirige », vous en faites le manager de l'établissement.
Pourtant, le décret de 1989 dispose que le directeur « représente l'institution auprès de la commune et des autres collectivités territoriales ». Nous considérons que cela est bien suffisant pour qu'il assure ses missions. Or, dès le premier paragraphe de l'exposé des motifs de la proposition de loi, il est déploré que le directeur soit « sans réel pouvoir de décision » et il est suggéré qu'il soit « décisionnaire lors des débats ». Votre finalité est donc la suppression du fonctionnement collégial de l'école primaire ! Vous souhaitez modifier le code de l'éducation de telle sorte que le directeur ne donne plus simplement son avis mais entérine les décisions du conseil d'école et les mette en œuvre.
Avant même que le présent texte ait été voté, vous avez mis fin, monsieur le ministre, à la collégialité de la décision dans un document du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en date du 2 juillet 2021. Il y est indiqué que les directeurs pourront à présent décider de la répartition des cent huit heures. Ces heures, qui sont dues par les enseignants en plus des vingt-quatre heures obligatoires de service hebdomadaire devant les élèves, seront donc réparties sans aucune consultation du conseil des maîtres. Les directeurs pourront ainsi décider seuls de l'organisation du temps de travail des enseignants de l'école, leurs nouveaux subordonnés.