Intervention de Olivier Becht

Séance en hémicycle du mercredi 15 décembre 2021 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à la présidence française du conseil de l'union européenne suivie d'un débat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Becht :

La France va exercer durant six mois la présidence de l'Union européenne. C'est à la fois un honneur, qui n'arrive que tous les treize ans, et une lourde responsabilité à l'heure où l'Europe semble à la croisée des chemins. Originaire d'Alsace, avec des grands-parents qui ont vécu deux guerres mondiales, je sais ce que nous devons à l'Europe, notamment en termes de paix et de prospérité. Toutefois, si la paix et la prospérité furent le rêve des générations qui ne les avaient jamais connues, elles apparaissent souvent aux jeunes d'aujourd'hui – à tort, hélas – comme des acquis. La réalisation du marché unique, l'euro, devenu l'une des grandes monnaies internationales, les facilités de voyage au sein de l'espace Schengen, la mobilité des étudiants Erasmus ou, plus récemment, le succès de la politique d'achat et de fourniture des vaccins sont des réussites incontestables, mais force est de constater que ces domaines n'incarnent plus des rêves assez puissants pour faire adhérer en masse nos concitoyens à l'idéal européen.

Celui-ci s'est brisé sur une vision froide et parfois inadaptée de la réglementation européenne, sur l'incapacité de l'Europe à sécuriser ses frontières face aux vagues migratoires, sur des réponses trop lentes aux crises financières, sur les atermoiements de certaines administrations ou de certains industriels pour créer rapidement des programmes technologiques et militaires communs nous permettant de faire jeu égal dans la compétition que se livrent les États-Unis et la Chine. En outre, le Brexit est venu nous rappeler que, comme le disait Paul Valéry des civilisations, l'Europe, elle aussi, pouvait être mortelle.

Bien sûr, la présidence française de l'Union européenne ne résoudra pas tous les problèmes, mais le rôle singulier de la France dans la construction européenne et la chance inédite d'avoir à sa tête le plus européen de tous les présidents de la Ve République nous invitent à saisir l'occasion.

Dans cette période singulière, il y a, aux yeux du groupe Agir ensemble, plusieurs priorités. La première est, bien entendu, de poursuivre et de réussir les plans de relance de nos économies, qui doivent être une opportunité incroyable de transformer en profondeur nos produits et nos processus de production en les décarbonant, mais aussi en les faisant monter en gamme sur le plan technologique. L'innovation doit être le fer de lance de la relance, afin d'inscrire pleinement notre Europe dans les révolutions de notre époque : l'intelligence artificielle, le quantique, les biotechnologies, les nanotechs et les neurotechs.

De même, l'Europe doit retrouver la maîtrise de ses frontières en créant autour de Frontex une véritable police européenne aux frontières, qui est la condition de survie de l'espace Schengen. Elle doit aider les peuples du monde tentés par le chemin de l'exil à inventer un futur positif dans leur pays. L'idée d'un New Deal ou d'une sorte de plan Marshall pour l'Afrique nous semble particulièrement intéressante, d'autant qu'elle permettrait de réinventer un rapport gagnant-gagnant entre les pays européens et les pays africains.

Mais si ces domaines sont indispensables pour notre prospérité économique, ils ne peuvent à eux seuls ressusciter le rêve européen car, comme le disait Jacques Delors, on ne tombe pas amoureux d'un taux de croissance. Pour faire vivre le désir d'Europe dans le cœur des générations actuelles, l'Europe doit retrouver de grandes ambitions.

Le grand défi des générations actuelles est incontestablement le climat. Face à la peur que la planète ne devienne une fournaise invivable, l'Europe doit instaurer le rêve d'une inversion du changement climatique et faire de ce rêve une réalité. Comme vous le savez, tout l'enjeu de ce défi tourne autour de l'énergie. Pour sortir de la société du carbone d'ici 2050, il faut d'abord sortir des énergies fossiles, c'est-à-dire déployer massivement des énergies renouvelables et non polluantes. Développer les énergies renouvelables existantes, notamment le solaire et l'éolien, nécessitera de maîtriser toute la filière de fabrication des batteries de stockage car il n'y a pas de vent ou de soleil en permanence. De l'extraction du nickel, du cobalt, du lithium et des terres rares à leur commercialisation, en passant par leur retraitement, l'Europe, si elle veut être souveraine sur le plan énergétique, devra investir massivement dans la filière de stockage des énergies renouvelables au même titre que dans la production des panneaux solaires et des éoliennes.

Mais l'Europe devra aussi réaliser qu'aucune énergie renouvelable ne semble actuellement capable de remplacer les énergies fossiles dans tous leurs usages. Nous devons donc placer notre foi dans la capacité de la nature à receler encore d'autres énergies que nous n'aurions pas encore nécessairement découvertes. Après tout, l'humanité ignorait encore à peu près tout de l'énergie atomique voilà encore 120 ans et il est donc fortement probable que nous puissions encore découvrir de nouvelles énergies, à condition de les rechercher.

L'énergie n'est-elle pas, d'ailleurs, l'origine même du projet européen et son moteur ? Les deux premières communautés européennes sont en effet celles du charbon et de l'acier, en 1950, et celle de l'énergie atomique, en 1957. C'est autour de l'énergie que l'Europe a bâti ses premières coopérations concrètes, dans un rapport gagnant-gagnant, pour gérer des stocks communs de matières premières, pour les répartir justement en fonction des besoins et pour accroître les efforts de recherche-développement au bénéfice de la croissance économique de tous.

Le groupe Agir ensemble est persuadé que la méthode des pères fondateurs de l'Europe reste d'une puissante actualité. Nous invitons ainsi le Gouvernement à envisager la création d'une nouvelle communauté européenne des énergies renouvelables, dont l'objectif serait à la fois de maîtriser les filières de production et de stockage de ces énergies et de coordonner les efforts de recherche pour la découverte et le développement de nouvelles énergies non polluantes. Cette communauté serait envisageable à vingt-sept, mais elle pourrait aussi être ouverte sur un plus grand nombre de pays, notamment à l'Est de l'Europe, où la méthode des pères fondateurs pour ramener la paix semble plus que jamais d'actualité au moment où des bruits de bottes résonnent aux frontières de l'Ukraine ou de l'Arménie.

Comment ne pas envisager aussi un partenariat avec nos amis africains, de l'autre côté de la Méditerranée, où le soleil du Sahara pourrait, grâce à des autoroutes de l'énergie traversant les mers, éclairer une partie de l'Europe ?

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