Intervention de Christophe Naegelen

Séance en hémicycle du mercredi 15 décembre 2021 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à la présidence française du conseil de l'union européenne suivie d'un débat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Naegelen :

Cela donne d'autant plus matière à questions que de l'autre côté du Rhin, les Allemands sont encore dans la lune de miel d'une toute nouvelle coalition qui a clairement défini ses lignes d'action dans son accord de gouvernement.

Les enjeux sont nombreux, à l'heure où l'Europe tente de sortir de la crise sanitaire et où les premiers grands projets présentés par la Commission européenne d'Ursula von der Leyen arrivent au bout de leur parcours législatif.

Il faut reconnaître que le Président de la République a fait un discours ambitieux lors de sa présentation à la presse la semaine dernière. Cependant, avant de vouloir se lancer dans des changements grandioses, la France doit aussi montrer une volonté réformatrice rationnelle pour régler les problèmes auxquels nos concitoyens font face, comme ceux qui sont liés à la directive sur le temps de travail affectant nos pompiers volontaires et nos militaires : l'Europe ne doit pas remettre en cause le sens de l'engagement de ceux qui sont prêts à donner du temps pour la défense de leur pays et de ses citoyens. Il en va de même pour les règles en matière de TVA, qui bloquent les initiatives visant à préserver le pouvoir d'achat des Français face à la hausse des prix de l'énergie.

Il me paraît également important de rappeler que la présidence française qui s'ouvre ne doit pas être un bal de vaines propositions que la France lancerait seule, comme elle en a trop souvent l'habitude, mais une construction d'équipe qui s'inscrit dans la continuité des travaux engagés par nos partenaires et par les parlementaires européens.

Ce constat posé, je partage tout de même la volonté d'être force de proposition sur des sujets précis et bien délimités, au moment où les Européens ont aussi à montrer leur capacité à renouveler notre projet commun.

Par exemple, nombreux sont les entrepreneurs qui souhaiteraient qu'un code européen des affaires voie enfin le jour, afin de faciliter la vie des TPE-PME, les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises, qui voudraient exporter sur le continent.

Avant tout, il nous faut accompagner un changement structurel qui permettrait à l'Union européenne de se penser enfin comme un instrument stratégique. Alors que la réindustrialisation fait débat dans tous les États membres, nous ne pouvons pas restreindre à l'échelle nationale une telle réflexion. Nos économies interdépendantes et notre monnaie commune nous poussent à la mener en commun.

À nous de faire preuve de cohésion et de solidarité sur les sujets importants.

En matière de défense, si la force d'intervention commune que vous proposez est aussi efficace que la brigade franco-allemande qui n'a jamais quitté le territoire en trente ans, nous pouvons nous poser des questions ! Nous devrions plutôt nous concentrer sur une véritable coopération matérielle, assise notamment sur des achats groupés : il est en effet incompréhensible de voir nos voisins belges et polonais préférer des avions de combat américains aux avions européens.

Il importe que cette solidarité, trop souvent absente, se manifeste également en matière de politique migratoire. Si la révision de l'espace Schengen est nécessaire, nous ne devons pas oublier de réformer le règlement de Dublin. Il est insupportable de voir les États qui gardent nos frontières extérieures s'occuper seuls des flux migratoires arrivant à leurs portes. Si certains États membres refusent une juste répartition des arrivées, il nous appartient de trouver le moyen de les associer au mieux tout en affirmant que c'est ensemble, avec les gardes de Frontex, que nous devons garantir la sécurité à nos frontières.

L'entraide qui doit prévaloir entre États membres n'est pas seulement une nécessité pour la cohésion interne ; elle est la condition pour que l'Union européenne renforce l'une de ses raisons d'être : la force d'influence que nous avons à vingt-sept, autrement dit la souveraineté européenne, notamment face aux États-Unis et à la Chine.

Dans le domaine du numérique, par exemple, les directives actuellement en discussion sur la régulation du marché des GAFA ou sur la gestion des contenus illicites présents sur les plateformes ne traitent malheureusement pas la question des données. Si le règlement général de protection des données (RGPD) était une première avancée que nous saluons, nous défendons, vous le savez, la création d'un droit de propriété sur les données numériques, qui inverse la balance et redonne le pouvoir au consommateur.

Enfin, en matière environnementale, je regrette que les recettes provenant de la taxe carbone aux frontières, dont nous avions demandé la mise en place en 2019, aient été consacrées au remboursement de l'emprunt contracté par l'Union européenne pour relancer l'économie en 2021. Ces revenus auraient été utiles pour accompagner de grands projets continentaux, notamment ceux portant sur les batteries à hydrogène ou encore les semi-conducteurs. Il est dommage qu'ils aient été ainsi sacrifiés.

À l'inverse, c'est avec satisfaction que nous voyons reprise l'idée de clauses miroirs, qui donneront la possibilité à la Commission d'imposer à nos partenaires commerciaux des normes aussi ambitieuses que les nôtres en matière environnementale. Cette mesure doit s'assortir d'une autre tout aussi utile et même complémentaire : l'inscription de mesures de sauvegarde spéciales dans les accords commerciaux. Concrètement, cela nous permettrait de remettre en cause tout ou partie d'un accord avec un partenaire qui ne respecterait les objectifs de l'accord de Paris.

Alors que l'Europe entend être le moteur de l'ambition climatique mondiale, des législations visant la neutralité carbone sur notre continent ne sauraient suffire. Nous devons aussi nous montrer offensifs, pour que chacun prenne sa part dans l'effort à mener à l'échelle mondiale.

Monsieur le Premier ministre, l'Europe est le combat de cœur de notre famille politique, mais nous nous désolons de la voir instrumentalisée, sous-utilisée, ou incapable de se remettre en question. L'élan donné ne devra pas s'arrêter au mois de juin. Il est temps de redonner du sens à l'Union européenne en faisant en sorte que chacune de ses initiatives ait une valeur ajoutée et renforce sa souveraineté.

Pour conclure, je paraphraserai une formule célèbre : « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et l'Europe sera sauvée ! ».

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