Intervention de Aude Bono-Vandorme

Séance en hémicycle du mercredi 15 décembre 2021 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à la présidence française du conseil de l'union européenne suivie d'un débat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAude Bono-Vandorme :

…ce qui signifie que les grands chantiers entamés au cours du premier semestre 2022 seront susceptibles d'occuper l'Union européenne pendant les dix-huit prochains mois.

Tout cela concourt à faire de cette présidence un moment particulier, « un grand moment d'humanisme européen », comme l'a dit notre Président de la République. Cela nous honore, mais nous oblige, notamment à faire preuve d'ambition dans nos promesses et à ne pas laisser ce moment se perdre. Cette préoccupation est précisément au cœur des nombreuses annonces faites le 9 décembre par le Président de la République et qui témoignent de la volonté de faire de cette présidence l'origine d'une véritable dynamique européenne, conformément à sa devise : « relance, puissance, appartenance ».

En accord avec les considérations déjà exprimées au nom de notre groupe au sujet des axes de travail prévus pour les prochains mois à l'initiative de la France, je m'attarderai sur les deux derniers termes, qui vont de pair et manifestent l'ambition française de construire une Europe plus souveraine.

Dès 2017 en effet, dans son discours de la Sorbonne, le Président de la République avait proposé à nos partenaires européens un agenda de souveraineté pour soutenir l'aptitude de l'Europe à exister dans le monde géopolitique actuel, afin d'y défendre ses valeurs et ses intérêts, tout en ayant la capacité de relever les grands défis auxquels elle devra faire face durant le siècle à venir. Cet agenda pour une Europe souveraine est déployé depuis maintenant quatre ans. Il s'est notamment traduit par la création de l'initiative européenne d'intervention, lancée en juin 2018. Cette initiative ambitieuse, au caractère résolument opérationnel, a permis de créer les conditions préalables à de futurs engagements coordonnés, préparés conjointement entre armées européennes.

La culture stratégique commune entre pays souverains franchira un nouveau palier avec l'adoption en mars de la boussole stratégique, qui doit être au cœur de la présidence française. Lancée sous présidence allemande, elle doit fixer le cap de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) dans les années à venir et proposer des moyens pour assurer l'autonomie de l'Union européenne et sa protection face aux nouvelles menaces. Composée de quatre volets – gestion de crise, résilience, capacités et partenariats –, elle sera essentielle pour affirmer l'autonomie stratégique de l'Europe.

Plusieurs pistes d'actions concrètes, pour chacun des quatre volets de la boussole, sont d'ores et déjà connues. En matière de gestion de crise et d'opérations, il s'agit d'accroître la robustesse, la flexibilité et la réactivité, ainsi que les synergies entre les missions de l'Union européenne et celles conduites dans des cadres ad hoc, comme la force Takuba, qui opère dans le cadre de l'opération Barkhane au Sahel.

En matière de résilience, il est important de mieux répondre aux tentatives extérieures de division ou d'affaiblissement en développant notamment la sécurité des réseaux cyber. S'agissant des capacités, plusieurs outils ont été mis en place avec succès depuis 2017 pour réduire nos dépendances stratégiques : Fonds européen de la défense (FED), coopération structurée permanente (CSP), processus capacitaire européen.

Mais c'est peut-être en matière de partenariats que les défis se révéleront majeurs. Il convient que l'Europe sache agir comme la puissance économique et politique qu'elle est, en établissant un partenariat égalitaire avec ses alliés traditionnels – les États-Unis, le Royaume-Uni et l'OTAN – tout en développant ses relations avec des partenaires plus récents dans l'Indo-Pacifique. La nouvelle dynamique que la présidence française souhaite impulser dans la politique de voisinage européenne avec l'Afrique, géant endormi, et avec les Balkans occidentaux, nos voisins proches, apparaît particulièrement utile dans cette perspective. De plus, une mise en cohérence des travaux de réflexion menés par l'OTAN – NATO 2030 – et par l'Union européenne – boussole stratégique –est à mes yeux primordiale, au regard de la dégradation de la situation géopolitique aux portes de l'Europe.

Je ne doute pas que, durant son semestre de présidence, notre pays saura relever ces défis pour enfin doter l'Europe d'une défense et d'une souveraineté stratégiques à la hauteur de nos espérances et des nécessités du nouvel ordre mondial. Les circonvolutions de l'administration Biden, ces derniers mois, face aux crises touchant l'Europe orientale, ne peuvent que nous y inciter fermement.

Je tiens enfin à dire quelques mots au sujet de deux problématiques qui me tiennent à cœur : la promotion du français, et donc du multilinguisme, au sein des institutions européennes d'une part, et la législation sur les services numériques – Digital Services Act – d'autre part.

J'ai eu l'honneur d'être rapporteure de la proposition de résolution européenne relative à la promotion du multilinguisme et à l'usage de la langue française au sein des institutions européennes. La langue n'est pas un véhicule neutre, et je pense sincèrement qu'il est de notre devoir d'enrayer le recul, maintes fois observé, du français et du multilinguisme au sein des institutions européennes. Ce déclin n'a rien d'une fatalité. Il doit, bien au contraire, faire l'objet d'une véritable mobilisation, que la présidence française du Conseil de l'Union européenne est à même de favoriser. C'est aussi dans ce cadre que nous réussirons à créer un sentiment d'appartenance de tous les citoyens européens à l'égard des institutions européennes – sentiment indispensable à la pérennité de notre Union, comme l'a encore souligné la semaine dernière le Président de la République.

Enfin, l'une des priorités annoncées par le chef de l'État est de faire de l'Europe une puissance du numérique, notamment grâce à l'adoption de deux textes jumeaux, le Digital Services Act en matière de régulation des contenus et le Digital Market Act pour la régulation du comportement concurrentiel des plateformes.

Travaillant depuis plusieurs mois, au sein de la commission des affaires européennes, sur un rapport d'information sur le DSA, j'ai conscience de l'importance que revêtirait l'adoption de ce texte, en particulier pour la lutte contre la désinformation et les discours de haine en ligne. Notre cadre européen de régulation n'a pas été actualisé depuis 2000, alors même que l'écosystème des services en ligne a connu une révolution, avec l'apparition de très grandes plateformes. Comme le rappelle le commissaire français Thierry Breton, l'inadéquation entre le maintien des principes de 2000 et les pratiques des plateformes a conduit à l'avènement d'un véritable far west numérique. J'ai donc grand espoir que la France, pays des droits de l'homme, contribue au respect des droits humains et de la légalité en ligne en œuvrant pour l'adoption du DSA sous sa présidence.

Cela fait beaucoup de projets, pour la présidence française, et l'on peut espérer qu'ils seront source de grands changements pour l'Union européenne. En effet, comme l'écrivait Victor Hugo, « Ce que Paris conseille, l'Europe le médite. Ce que Paris commence, l'Europe le continue. »

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