Nous vivons dans un monde où la compétition ne porte plus uniquement sur les ressources et les territoires, mais aussi sur les parts de marché, la capacité d'innovation et d'attraction, et ce qu'on appelle la diplomatie d'influence. Or l'attractivité de notre système d'enseignement et de recherche en est un facteur essentiel : les anciens étudiants en France sont nos meilleurs ambassadeurs, les relais de notre politique à l'étranger, les porteurs de la francophonie, sans compter que les retombées économiques liées aux étudiants étrangers ne sont pas négligeables (4-5 milliards d'euros par an).
Nous sommes aujourd'hui à un moment charnière : la question du savoir est devenue centrale en géopolitique, le Président de la République l'a reconnu dans son discours à la Sorbonne en septembre dernier et à Ouagadougou plus récemment. Le contexte international n'a jamais été aussi concurrentiel, car aux côtés des concurrents traditionnels que sont les pays anglo-saxons émergent de nouveaux acteurs, comme l'Arabie saoudite ou encore la Turquie, dont la diplomatie universitaire est très offensive (+ 120% d'étudiants supplémentaires en quelques années).
Notre pays n'est pour l'heure pas en mauvaise position dans cette compétition mondiale. Le succès de l'opération « Make our planet great again » et les contacts établis avec des centaines d'étudiants et chercheurs américains souhaitant venir en France confirment le maintien de l'attractivité française en matière de recherche. Mais la France a déjà rétrogradé à la quatrième place des classements internationaux, et si elle veut conserver son influence, elle devra doubler en quelques années le nombre d'étudiants étrangers accueillis en France et mener une politique plus offensive pour attirer les élites de demain du monde entier. Il faut une politique qui ne se repose pas sur les flux d'étudiants captifs du fait de liens historiques et linguistiques, mais s'adapte aux besoins des pays d'origine et fait face aux stratégies des pays concurrents.
En 2010 il a été décidé de créer un opérateur unique, Campus France, qui regroupe l'ensemble des moyens financiers et humains jusqu'alors dispersés entre de nombreux intervenants pour créer une véritable chaîne de l'accueil, partant de la promotion de l'offre de formation jusqu'à la gestion de la mobilité internationale.
Pour accomplir ses missions, Campus France s'appuie sur plusieurs éléments : un réseau de 260 Espaces Campus France dans 120 pays à l'étranger, dont, depuis 2014, un bureau Campus France à Bruxelles ; un réseau de 353 établissements d'enseignement supérieur et de recherche français engagés dans l'internationalisation de leur offre de formation, à travers le Forum Campus France ; un réseau de délégations régionales en France pour accueillir et accompagner les étudiants étrangers à leur arrivée ; un réseau d'agences européennes partenaires, notamment au sein du groupe des « Big 4 » (British Council, Campus France, DAAD et Nuffic), avec lesquelles sont montées de nombreuses actions et la réponse à des projets européens ; un réseau d'alumni en cours de déploiement dans 84 pays.
Le rapport que je vous présente vise à analyser les principales orientations du contrat d'objectifs et des moyens (COM) entre l'Etat et Campus France, contrat qui doit couvrir la période 2018-2020 et que vous trouverez en annexe. L'ensemble des personnes auditionnées saluent le travail des équipes de Campus France, qui a apporté un réel dynamisme à une politique quelque peu en sommeil.
Mais il reste encore de nombreux progrès à réaliser – les moyens sont insuffisants au regard des enjeux et en comparaison avec d'autres pays étrangers, le niveau des bourses a considérablement baissé ces dernières années, l'accueil des étudiants pourrait être amélioré, de même que renforcée la stratégie numérique de Campus France. Sur ces questions, je ferai quelques propositions d'amélioration du COM.
Je vous renvoie à mon rapport pour le détail de mes remarques et propositions sur le COM, mais je souhaiterais insister sur quelques points stratégiques :
– le niveau des bourses et la politique de mobilité. Il faut impérativement et a minima sanctuariser le niveau des bourses qui a baissé de moitié en quelques années. S'il faut encourager les co-financements de bourses avec le secteur privé et les partenaires étrangers, sur le modèle « Science sans frontière » avec le Brésil, cela doit compléter et non remplacer les crédits du ministère. Il faudrait peut-être aussi revoir leur mode de calcul pour en verser plus et mieux ;
– il faudrait systématiser les accords bilatéraux de mobilité, qui prennent en compte au plus près les besoins des pays en termes de formation en fonction des objectifs de développement (par exemple les formations en professionnels de santé ou les formations d'ingénieurs) ;
– il faut aussi se donner des priorités géographiques claires. Il y a un momentum politique à exploiter en ce moment : avec la politique américaine, le Mexique et d'autres Etats latino-américains regardent à nouveau vers la France; autre exemple, l'Iran où nous devons être présents. Je citerai enfin les pays asiatiques, qui mènent une politique volontariste de mobilité sortante de leurs étudiants, notamment la Chine et l'Inde, c'est une opportunité à saisir. Quant aux étudiants africains, ils ne vont plus systématiquement en France, mais désormais aux Etats-Unis, au Canada, mais aussi en Arabie saoudite. Il faut regagner ces publics, ce doit être notre priorité des priorités ;
– autre remarque, il est important de favoriser les synergies entre Campus France et d'autres opérateurs notamment Business France dans l'organisation d'évènements, ou encore Erasmus + sur les mobilités européennes ;
– j'insiste aussi sur la nécessité d'avoir une stratégie numérique plus aboutie ; je propose ainsi qu'une application soit mise au point, accessible sur mobile, qui regroupe à la fois l'offre de formation et les conditions d'accueil des étudiants ;
– l'accueil des étudiants doit être amélioré, c'est notre point faible aujourd'hui. Je pense qu'il faut donner un mandat clair à Campus France pour qu'il soit chargé, peut-être même comme prestataire de service, de l'organiser et de coordonner les différents acteurs que ce soit les établissements, les municipalités ou les associations et réseaux d'étudiants ;
– dernière remarque, mais essentielle, l'une des principales difficultés que soulève ce COM réside dans l'étroitesse des marges de manoeuvre de Campus France et dans le peu de visibilité dont dispose l'opérateur sur ses ressources à venir. Il n'y a aucune trajectoire financière pour les années qui viennent. Il serait donc souhaitable que le Gouvernement s'engage de façon plus précise sur la durée du COM.
Pour terminer, j'ai souhaité que soit inscrit dans le COM le principe d'une présentation annuelle, par Campus France, devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, de l'état d'avancement de sa mise oeuvre. De manière générale, j'estime que les parlementaires devraient être saisis plus en amont de la négociation du COM et ne pas avoir à approuver un document qu'ils n'auraient pas contribué à élaborer.
Au bénéfice de ces remarques, j'émets un avis favorable sur ce COM.