Les SPT sont un vrai sujet. Nos personnels sont des hommes et des femmes, et le mythe du soldat insensible à tout n'existe plus depuis longtemps chez nous : nous avons rallié le système des sas systématiques pour nos retours d'opération. Ce n'est pas seulement le problème du commando mais aussi celui des familles. Le problème nécessite une approche globale et le service de santé des armées (SSA) l'a bien intégré.
Le SSA a fait du SPT l'une de ses priorités. Il détecte les cas, puis il les traite et les accompagne dans leur guérison. Et pour éviter que ce phénomène ne s'amplifie dans la famille – les enfants, l'épouse –, on crée quasi systématiquement un sas. Quand on ne le fait pas, c'est qu'un problème pratique nous en empêche. S'agissant de l'opération Sabre, au Sahel, les personnels viennent de près de cinquante unités différentes. Tout le monde est donc concerné et pas seulement les commandos, car celui qui est affecté à l'état-major peut aussi voir des photos traumatisantes sur son écran et, lui aussi, a été absent de son domicile pendant quatre mois.
Il faut une approche plus globale car la société a changé. Il y a d'abord l'horreur : vous pouvez avoir été victime d'une bombe, d'un engin explosif improvisé, d'une pression ou parce que vous pensez que vous allez être attaqué. Il y a aussi l'absence loin de la famille, qui a aussi été prise en compte par toutes les unités. Il faut donc avoir un système global intégrant des psychologues et des assistantes sociales pour les combattants et leurs familles ainsi que des cycles d'entraînement et de déploiement des unités ménageant des temps de pause.
Les pilotes d'hélicoptères partent une à deux fois par an, sur les théâtres d'opération au Sahel. Quant aux commandos, ils font au minimum une opération par an. Lorsque vous ajoutez à cela les formations et les séances d'entraînement, au bout du compte cela fait beaucoup de périodes d'absence loin des familles, ce qui provoque un stress. De surcroît, quand un événement imprévu survient et que telle équipe doit partir plus tôt que prévu en opération, cela suscite beaucoup d'angoisse dans nos familles et chez nos enfants. Ce problème n'est pas propre aux forces spéciales ; il existe aussi dans les forces conventionnelles. Une famille sait gérer une absence programmée, mais lorsqu'elle se fait sans préavis, cela peut entraîner une forme de traumatisme dans nos sociétés modernes chez certaines personnes. C'est cela, à mon avis, qui sera un frein à la fidélisation de nos engagés.
Aujourd'hui, les jeunes ont une bonne image des forces spéciales – je n'ai pas de problème de recrutement. Le défi, ce sera de garder les personnels, car ce rythme effréné dans l'emploi est problématique. Ils sont tous volontaires, ils rêvent tous de partir sur les théâtres d'opérations – ils ont choisi ce métier pour cela. On cherche à être le meilleur dans le domaine, à avoir le meilleur équipement ; je vous en ai fait la démonstration tout à l'heure. Nous sommes très exigeants là-dessus parce que nous le sommes avec nous-mêmes. C'est un travail d'équipe élitiste. Ce groupe, il se crée et il se vit lorsque l'on est en opérations. Mais avec le temps, la fatigue s'accumule. C'est pourquoi il faut des pauses. Ce n'est pas forcément toujours l'individu qui a envie d'arrêter, mais bien souvent la famille. La difficulté sera donc plutôt dans le long terme et pas au stade du recrutement.
S'agissant des reports d'opérations liés à l'absence d'équipements adaptés, comme je vous l'ai dit, je fais de l'ingénierie opérationnelle au quotidien, je m'adapte. Mon métier est d'imaginer, de planifier et de conduire des opérations avec ce que j'ai ou peux trouver chez des partenaires.
Vous m'interrogez sur les saisies. Au Sahel, nous sommes dans une guerre du renseignement. Dès que nous allons quelque part, que nous trouvons une cache d'armes, un terroriste, nous enregistrons et analysons tout le matériel et la documentation saisie. Lorsqu'il s'agit de gros matériels, par exemple des voitures, ou des explosifs, nous les détruisons après en avoir recueilli des échantillons. Nous ne nous intéressons pas aux trafics dont la lutte relève des forces de sécurité intérieures.
Pour l'instant, nos personnels sont rémunérés correctement. Nous ne demandons pas davantage. Ce qui importe davantage à nos opérateurs c'est de disposer des équipements dont ils ont besoin en quantité et en qualité... Le problème ne se situe donc pas au niveau des rémunérations mais bien des équipements devant nous permettre d'être efficaces, car nous sommes exigeants avec nous-mêmes.