Cet article, le premier qui prévoie un titre spécifique consacré aux questions transfrontalières, mérite qu'on s'y attarde quelques instants. Ce n'est pas par hasard, en effet, que cette loi comporte un tel titre et, pour avoir fait un peu d'archéologie légistique, je pense qu'elle est la première qui donne autant d'importance à cette question.
Cela tient à deux raisons. Tout d'abord, le traité d'Aix-la-Chapelle a donné lieu à une initiative franco-allemande qui a permis de créer un comité transfrontalier dont la vocation, comme je l'avais proposé dans un rapport destiné au Premier ministre dans la perspective du traité d'Aix-la-Chapelle, était de partir des problèmes concrets des habitantes et habitants et des PME de nos zones frontalières pour nous efforcer d'y apporter la meilleure réponse, avec un comité regroupant les pouvoirs législatif – deux députés y siègent – et réglementaire, ainsi que les collectivités locales, tant du côté français que du côté allemand, où les Länder et l'État fédéral sont représentés.
Dans le cadre de ce dispositif, nous avons défini, avec les équipes de Mme la ministre et plusieurs collègues que je citerai tout à l'heure, des éléments concrets sur lesquelles le fait transfrontalier pouvait progresser et qui ont été injectés dans cette loi 3DS, dans ce titre dédié au transfrontalier.
C'est la première fois que cette démarche issue du traité d'Aix-la-Chapelle et du comité transfrontalier porte ses fruits et se traduit concrètement par des éléments qui changeront la vie des habitants des zones frontalières. Pour en prendre quelques exemples, est ainsi prévu un volet portant sur la santé. Santé du quotidien, d'abord : j'habite à Strasbourg et, si je vais me faire soigner à Kehl, ma feuille de soins sera traitée comme si j'étais allé me faire soigner à Kinshasa ou au bout de la planète pendant mes vacances, alors que je n'ai fait que traverser un pont. Santé de l'urgence, ensuite : concrètement, une personne qui subit un AVC pendant qu'elle fait ses courses en Allemagne doit faire vingt minutes de route pour être soignée à l'hôpital le plus proche, au lieu de traverser le pont en deux minutes pour être soignée en France. Cette médecine de l'urgence doit donc, elle aussi, évoluer. Il s'agit aussi de la médecine de pandémie – de fait, l'Allemagne a beaucoup aidé notre région Grand Est pendant cette pandémie. En un mot, il s'agit de questions concrètes de la vie quotidienne des femmes et des hommes qui vivent dans les zones frontalières.
Cette démarche s'applique également aux collaborations entre collectivités territoriales. La loi comporte en effet des avancées majeures qui permettent à une collectivité territoriale limitrophe située de l'autre côté de la frontière d'être intégrée dans des schémas de réflexion au même titre que si elle était limitrophe de notre côté de cette même frontière.
Cela a, en outre, des conséquences concrètes, notamment pour les entreprises publiques locales. Encore un exemple très simple : alors qu'un tram circule entre Strasbourg et la ville voisine de Kehl, située de l'autre côté du pont, cette ville ne pouvait pas entrer au capital de la société publique locale, la CTS – Compagnie des transports strasbourgeois.
Le texte corrige donc de nombreuses dispositions qui concernent le quotidien des habitants. Ses dispositions concernent également le sport, grâce à des amendements que nous avons soutenus, ainsi que l'apprentissage transfrontalier, que nous allons enfin pouvoir développer en permettant à un élève qui suit un cursus français d'effectuer son stage d'application en Allemagne dans le cadre de son apprentissage. Jusqu'à présent, tout cela n'était pas possible, et ces problèmes concrets se voient proposer des solutions et des avancées concrètes dans ce texte. Il était important de l'évoquer avec vous.
Tout cela n'a été possible que grâce à la mobilisation d'un grand nombre d'entre nous, dont Christophe Arend, avec qui je siège dans le comité transfrontalier franco-allemand. J'ajoute que cette démarche franco-allemande s'est étendue et qu'un traité équivalent a été signé avec l'Italie, permettant la création d'un comité franco-italien de même nature, et que les dispositions du texte concernent tous les territoires frontaliers. Si donc les relations franco-allemandes ont joué un rôle, la question n'est pas cantonnée ou limitée à cette dimension.
Je tiens aussi à citer Isabelle Rauch, avec qui nous avons beaucoup travaillé, et Vincent Thiébaut, qui siège au Centre européen de la consommation – en un mot, tous les députés qui se sont engagés sur cette question.
Je conclurai en remerciant très sincèrement deux personnes. D'abord vous-même, madame la ministre, qui avez accepté qu'une part de travail importante soit consacrée à cette question transfrontalière et qu'elle fasse l'objet d'un titre dédié. Vous avez même procédé à une saisine rectificative du Conseil d'État, et êtes donc allée très loin dans le soutien au fait transfrontalier, avec vos équipes, qui ont travaillé avec nous dans le détail de ces textes parfois complexes à articuler. Je remercie aussi Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. À vous deux, vous avez montré l'attachement du Gouvernement et de notre majorité au fait transfrontalier. Je tenais à le souligner et à le saluer.